Sébastien, 41 ans, ancien père au foyer : "Je l'ai fait apparaître sur mon CV"

Les pères au foyer sont encore rares, observe la sociologue Christine Castelain-Meunier. Photo d'illustration.
Les pères au foyer sont encore rares, observe la sociologue Christine Castelain-Meunier. Photo d'illustration. © Pixabay / Free-Photos
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Thibaud Le Meneec
Pour ne pas rater les premières années de sa deuxième fille, Sébastien a mis sa carrière entre parenthèses pendant deux ans, afin de vivre ce qu'il considère comme une "expérience professionnelle". Il a raconté sa vision du congé parental sur Europe 1, mercredi.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Un patron un peu particulier, qui peut l'appeler pour un biberon à 3 heures du matin. Voilà comment Sébastien, 41 ans aujourd'hui, a évoqué mercredi auprès d'Olivier Delacroix sa deuxième fille. Pour elle, il a pris un congé parental (à différencier du congé paternité), malgré les craintes de son entourage vis-à-vis de sa vie professionnelle, placée entre parenthèses le temps de développer d'autres compétences. 

"Avec ma première fille, ç'a été une petite révolution. Je trouvais d'ailleurs que j'avais raté un certain nombre de moments avec elle. Un jour, je suis arrivé à la crèche et on m'a dit : 'Elle marche'. Ah… Je me suis dit qu'il était hors de question de rater ça pour la deuxième. Ma grande rentrait à l'école, il y avait la volonté de l'accompagner doucement dans ce changement. Il y avait aussi cette volonté de faire une pause, de prendre soin de ma deuxième fille. Ma femme ne le souhaitait pas, moi je le souhaitais.

"Tu plantes ta carrière"

[Quand il a décidé de prendre un congé parental, Sébastien a subi des remarques] Des proches et des amis me disaient : 'Tu plantes ta carrière en faisant ça, moi je ne l'aurais jamais fait'. Derrière, il y avait l'idée que faire une pause dans sa carrière empêche de la faire repartir. Au contraire, je trouve que ça doit être vécu comme une expérience professionnelle.

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

Moi, je l'ai fait apparaître sur mon CV. C'est quand même une période où on apprend à gérer 50 trucs en même temps. On bosse jour et nuit, et votre patron vous appelle à 3 heures du matin pour un biberon. J'ai essayé de le faire valoir comme une qualité, l'utiliser comme un plus. Après, il y a une différence entre mettre sa carrière entre parenthèses pendant un ou deux ans et quinze ans. Le problème, c'est le valoriser, montrer qu'on n'est pas restés à la maison se tourner les pouces ou regarder des séries.

Une association pour conseiller sur la parentalité

[Sébastien est partisan d'une stricte égalité dans le partage des tâches]. Moi, je suis un contre-exemple. J'ai une femme qui travaille loin et qui a assez vite privilégié sa carrière, donc je m'occupe de 90-95% des tâches du quotidien. 

J'ai monté une association autour de la parentalité. Les parents que je reçois, je les incite à penser d'abord à la pari-parentalité, la parité dans la parentalité. Si vous pensez à la crèche, pensez à qui s'occupe du matin et qui s'occupe du soir, d'un point de vue professionnel. Cette parité permet aux parents qui ne souhaitent pas faire une pause de continuer deux carrières en même temps. C'est une question d'organisation."

 

L'avis de Christine Castelain-Meunier, sociologue au CNRS

Les pères aux foyers, ça reste encore un phénomène marginal mais c'est en train d'augmenter. C'est moins tabou, c'est vécu de manière heureuse. On est dans une période charnière où il y a du changement et des résistances au changement. Ce moment est caractérisé par le fait qu'on sort d'une société patriarcale mais ça génère du malaise car les nouveaux modèles ne sont pas encore stables. C'est comme si ces jeunes pères vivaient des expériences, mais n'étaient pas encore dans une nouvelle norme.

Les professionnels ont encore du mal à s'adresser aux pères, comme si c'était une erreur du parcours tellement on a derrière nous des siècles qui ont montré que la petite enfance était le domaine de la femme et de la mère. On n'a pas encore pris la mesure de l'importance de permettre de tisser des liens avec l'enfant. Il faut valoriser la paternité relationnelle et allonger le congé paternité. Il faudrait appeler autrement la classe de maternelle.