Rumeurs d'attentats : une "situation tendue" en Corse

Un rassemblement devant le poste de police de Borgo, le 17 août dernier, en soutien à deux villageois originaires de Sisco, placés en garde à vue après la rixe.
Un rassemblement devant le poste de police de Borgo, le 17 août dernier, en soutien à deux villageois originaires de Sisco, placés en garde à vue après la rixe. © AFP
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C.P.-R.
Lundi, le procureur général de Bastia a rappelé que les rumeurs d'attaques terroristes n'étaient pas "fondées", alors que l'île de Beauté traverse une période de tensions communautaires.

"Je connais ces rumeurs, elles ne sont pas fondées". Dans un entretien au Parisien lundi, le procureur général de la cour d'appel de Bastia, Franck Rastoul, a tenté de rassurer et d'apaiser dans un climat actuellement très tendu, en Corse. Depuis le début de l'été, les rumeurs d'attentats islamistes vont en effet bon train sur l'île de Beauté, exacerbant notamment les tensions intra-commautaires.

Alors que la peur de l'attentat plane chez les insulaires, le magistrat assure qu'"aucune enquête judiciaire" n'est ouverte "sur un éventuel projet d'attentat en Corse". Il a également indiqué que si "de nombreuses perquisitions administratives dans le cadre de de l'état d'urgence" ont été menées, "aucune n'a pour l'instant entraîné la découverte d'éléments susceptibles d'asseoir une enquête terroriste". 

Une dizaine de rumeurs. Une mise au point vraisemblablement nécessaire au vu des inquiétudes croissantes de la population. "On sent qu'il y a une psychose sur les réseaux sociaux et en discutant avec les gens de façon générale", rapporte à Europe 1 Kael Serreri, journaliste spécialiste des faits divers pour Corse-Matin. D'après le procureur de la République d'Ajaccio, interrogé par L'Obs, dix rumeurs d'attentats ont ainsi circulé sur l'île depuis le 10 août dernier.

Parmi elles, "la grande rumeur de l'été", selon la journaliste : un projet d'attaque du Via Notte, à Porto-Vecchio, club à ciel ouvert et plus grande discothèque de l'île. "Cette rumeur a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux, dès la veille de l'ouverture de la boîte de nuit (ndlr ; début juin), mais elle a été très rapidement démentie", indique auprès d'Europe 1 Nadia Amar, chef d'agence à Porto-Vecchio pour le journal Corse-Matin

En réalité, tout est né d'un adolescent de 16 ans, déjà interné plusieurs fois, qui a raconté à sa famille avoir été en contact avec un imam lui ayant dit que les discothèques étaient des "lieux de débauche". Dans les colonnes du Parisien, le procureur général Franck Rastoul s'est voulu rassurant sur le sujet : "Il y a eu des soupçons de cette nature, une perquisition administrative a immédiatement été menée, mais les éléments recueillis n'ont pas permis de confirmer cette hypothèse", explique-t-il. 

"Il peut y avoir un dérapage". Mi-juillet, cette fois, c'est une réunion de famille qui est à l'origine d'une fausse alerte. Un homme musulman fait un malaise cardiaque dans un appartement d'Ajaccio. Ses proches, au nombre d'une dizaine sont pour la plupart vêtus des tenues traditionnelles, d'autres viennent de la banlieue de Bruxelles. Après qu'un signalement est effectué, la police enquête. Rien de suspect ne sera découvert. 

Entre-temps toutefois, "la rumeur se propage, on parle de quatre hommes barbus arrivant de Molenbeek et que la police a laissé filer", raconte Kael Serreri, qui a couvert l'affaire. "Des histoires comme cela, il y en a eu beaucoup. On sent que la situation est tendue, qu'un micro-événement local peut prendre rapidement de l'ampleur, qu'il peut y avoir un dérapage", résume la journaliste. 

"La Corse, un concentré des problématiques". A l'instar de cette rixe ayant eu lieu à Sisco, en Haute-Corse, le 13 août dernier. Partie sur une plage d'une simple altercation entre des Marocains de Furiani et des villageois, la situation a finalement dégénéré en échauffourées, nécessitant l'intervention d'une centaine de policiers et gendarmes et faisant cinq blessés. Raison pour laquelle, le procureur général Franck Rastoul a appellé notamment à "casser la crainte d'une spirale de violence", tout en tempérant : "ces tensions existent partout en France, car elles sont liées au contexte international de menace terroriste".

Sur l'île de Beauté néanmoins, la défiance envers les autorités judiciaires et préfectorales renforce sans doute ce climat de suspicion, lit de la rumeur. Dans une interview donnée à VSD la semaine dernière, le président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, avançait : "La crispation des Corses est d’au­tant plus forte que notre reven­di­ca­tion iden­ti­taire n’est pas satis­faite. Il faut comprendre que la Corse est un concen­tré des problé­ma­tiques que l’on peut trou­ver à une plus grande échelle dans la plupart des pays, notam­ment en France".