Publication des décisions de justice : un nouvel outil pour les citoyens et les juges

Les citoyens aussi bien que les juges pourront bénéficier de cette publication massive
Les citoyens aussi bien que les juges pourront bénéficier de cette publication massive © DAMIEN MEYER / AFP
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Salomé Legrand édité par M.R. , modifié à
Les décisions de justice pourront bientôt être consultables par tout un chacun aussi bien pour se défendre en cas de conflit que pour désengorger les tribunaux.
L'ENQUÊTE DU 8H

En cours de rédaction sur le bureau du Garde des Sceaux, un décret doit définir les modalités de la mise en ligne de toutes les décisions de justice rendues en France (en application de la loi Lemaire du 7 octobre 2016 sur la République numérique). Cela représente 2 millions de décisions chaque année que les citoyens vont pouvoir consulter librement en ligne.

Une ressource en cas de conflit. C'est une véritable mine d'informations qui va être accessible à tous, et à partir desquelles on va pouvoir faire des statistiques. Quelques milliers de décisions sont déjà disponibles en ligne et quatre start-up ont commencé à les exploiter. Grâce à des algorithmes, elles font des moyennes par tribunal, des probabilités pour chaque type de conflits, etc.

"L'outil permet de calculer, s'agissant d'un licenciement pour faute, le montant des indemnités qu'il est possible d'obtenir, la possibilité de la réintégration du salarié", détaille Louis Larret-Chahine, co-fondateurs de l’une de ces start-up, au micro d'Europe 1. "De la même façon, dans le cadre d'une fracture sur un sol glissant dans un supermarché, on est capables d'aller chercher la probabilité d'obtenir gain de cause, le montant qu'il sera possible d'obtenir au titre du dommage corporel et les éléments qui vont permettre de convaincre statistiquement la juridiction." Autant d'arguments d'ores et déjà utilisables par un salarié. 

Une solution pour désengorger les tribunaux ? Avec cette mise en ligne massive des décisions de justice, on pourra ainsi se faire une idée des chances de réussite d'un procès, ce qui pourrait désengorger les tribunaux. Par exemple, lors d'un licenciement, si le plaignant sait que pour un cadre supérieur avec un certain nombre d'années d’ancienneté, les indemnités sont entre 5.000 et 15.000 euros et que la procédure dure environ quatre ans, il va peut-être choisir de négocier 10.000 euros pour éviter une longue bataille judiciaire.

La possibilité de choisir un juge clément. Si elle semble favorable aux citoyens, cette disposition inquiète les magistrats. Nombre d'entre eux réclament l'anonymat, parce que si on publie leur nom, ils redoutent que les justiciables soient tentés de choisir son juge, d'essayer de tomber sur l'un d'eux qui serait statistiquement plus généreux par exemple.

L'autre crainte, c'est que les citoyens utilisent ces données pour contester les décisions. "Le risque, c'est de créer des incompréhensions quand la décision rendue ne sera pas dans la moyenne des décisions qui auront été publiées", craint Céline Parisot de l’Union syndicale des Magistrats. "Là finalement, les juges ne serviraient plus à rien. S'il n'y a pas d'analyse du dossier pour s'adapter à chaque cas, la justice devient complètement inutile et inhumaine."

Un avantage : harmoniser les décisions. Mais les juges y voient aussi des avantages, ces statistiques pourront les aider à regarder ce qui se fait ailleurs avant de trancher et donc à harmoniser les décisions. Deux tribunaux en région parisienne vont même tester un logiciel dans les mois qui viennent.