Première condamnation de l'État pour les conditions "indignes" des camps de harkis

Quelque 150.000 Algériens avaient été recrutés par l'armée française comme auxiliaires durant la guerre d'Algérie.
Quelque 150.000 Algériens avaient été recrutés par l'armée française comme auxiliaires durant la guerre d'Algérie. © JACQUES GREVIN / INTERCONTINENTALE / AFP
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avec AFP , modifié à
L'État a été condamné mercredi par le Conseil d'État à indemniser un fils de harki, en raison des "conditions de vie indignes" qui lui ont été réservées en France. 

Le Conseil d'État a pour la première fois condamné l'État à indemniser un fils de harki pour les conditions de vie "indignes" réservées aux supplétifs de l'armée française en Algérie à leur arrivée en France, selon une décision transmise mercredi. "La responsabilité pour faute de l'État doit être engagée à raison des conditions de vie indignes réservées à l'intéressé" dans ces camps, dits de transit et de reclassement, dans les années 60 et 70, a indiqué le Conseil d'État en condamnant l'État à verser 15.000 euros au plaignant "en réparation des préjudices matériels et moraux".

"Des séquelles" des camps de transit. C'est la première fois que la plus haute juridiction administrative, saisie d'une demande de réparation liée à l'accueil des harkis en France, reconnaît l'État responsable et le condamne à verser une indemnisation, a-t-on indiqué au Conseil d'État. Le requérant était né au camp "Joffre" de transit et de reclassement des anciens supplétifs de l'armée française en Algérie, situé à Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, avant d'être transféré en 1964 au camp de Bias, dans le Lot-et-Garonne, où il a vécu jusqu'en 1975. Dans ces camps, les conditions de vie ont entraîné chez le plaignant "des séquelles" qui ont "exigé un accompagnement médico-psycho-social" et "ont aussi fait obstacle à son apprentissage du français", précise le Conseil d'État.

La haute juridiction ne s'est en revanche pas prononcée sur le préjudice lié, selon le requérant, à l'absence de rapatriement des harkis et de leurs familles après la signature des accords d'Evian du 19 mars 1962, qui ont mis fin à la guerre d'Algérie. "Conformément à sa jurisprudence, le juge ne contrôle pas (...) les actes qui se rattachent à l'action du gouvernement dans la conduite des relations internationales et leurs éventuelles conséquences", précise la juridiction.

Des gestes envers les harkis. Cette décision intervient après la reconnaissance, le 13 septembre, de l'enlèvement et de la mort aux mains de l'armée française de l'opposant communiste Maurice Audin pendant la guerre d'Algérie, et l'annonce fin septembre d'un "plan harkis" de 40 millions d'euros sur quatre ans, destinée notamment à revaloriser les pensions des anciens combattants. Sur les quelque 150.000 Algériens recrutés par l'armée française comme auxiliaires durant la guerre d'Algérie, environ 60.000 ont pu rejoindre la métropole dans des conditions précaires. Les autres ont été livrés à leur sort en Algérie où le nouveau régime les considérait comme des traîtres.

 

Les harkis confortés à demander une "véritable" réparation. La condamnation de l'État à indemniser un fils de harki "nous conforte dans notre volonté de demander une véritable réparation" pour ces anciens supplétifs, et leurs descendants, de l'armée française en Algérie, a affirmé mercredi le Comité national de liaison des harkis (CNLH). "Nous sommes très heureux de cette décision", a indiqué Mohamed Badi, porte-parole du CNLH. "Le Conseil d'État désapprouve l'État. C'est un énorme coup de main qui nous aide" à poursuivre notre combat, a-t-il ajouté, réaffirmant la volonté du CNLH "d'aller devant la cour européenne des droits de l'Homme".