Peut-on prévenir "le passage à l’acte dangereux" ?

Peut-on prévenir la dangerosité? (image d'illustration)
Peut-on prévenir la dangerosité? (image d'illustration) © PHILIPPE DESMAZES / AFP
  • Copié
Caroline Politi
L’hôpital psychiatrique de Cadillac, en Gironde, inaugure ce mardi son institut psycho-judiciaire, première unité de recherche en France à s’intéresser à la prévention de la dangerosité.

"Mieux connaître la dangerosité pour mieux la prévenir." Tel est l’objectif du nouvel institut psycho-judiciaire, inauguré ce mardi à l’hôpital psychiatrique de Cadillac. L’établissement est connu depuis longtemps pour accueillir des malades "dangereux", son unité pour malades difficiles (UMD) – ouverte il y a plus de cinquante ans – est l’une des plus anciennes de France. En s’appuyant sur cette "matière brute", l’institut souhaite "produire et diffuser des connaissances sur la dangerosité", à la manière d’un centre de recherche universitaire. Comment analyser la dangerosité ? Eléments de réponse avec le psycho-criminologue Jean-Pierre Bouchard, à l’origine du projet.  

Y a-t-il des facteurs objectifs de dangerosité ?

En travaillant toute la journée au contact de patients dits dangereux, nous nous sommes aperçus que des éléments revenaient fréquemment. Certains troubles psychiatriques sont des facteurs de dangerosité. Pour les schizophrènes ou les paranoïaques, des formes de délire vont, par exemple, les pousser à s’en prendre à une personne pour "se défendre". De même, pour les pervers sexuels, l’analyse de leur comportement ou de leurs fantasmes peut nous donner des éléments de compréhension. Mais il existe de nouvelles formes de criminalité, pas obligatoirement liées à la maladie mentale. Le terrorisme de masse, par exemple, qui s’en prend à des anonymes.

Comment peut-on détecter la dangerosité ?

Il n’y a pas de boule de cristal pour détecter qui va passer à l’acte ou récidiver mais certains indicateurs psycho-pathologiques peuvent malgré tout nous donner une grille de lecture. La nouveauté de notre institut vient du fait que nous travaillons directement "à la source", avec des personnes réputées dangereuses. Nous allons donc étudier le mobile, le passage à l’acte, l’histoire familiale, l’environnement pour en tirer des données puis les analyser.

Ne risque-t-on de les enfermer dans une typologie, se dire "ils ont des critères de dangerosité, donc ils sont obligatoirement dangereux" ?

Les éléments que nous allons tirer sont des indicateurs, en aucun cas des modèles "prêts à l’emploi". Tous les praticiens savent qu’il existe une très grande variété de profils, qu’une même pathologie peut s’exprimer différemment… Il s’agit d’une aide au raisonnement pour des professionnels de santé qui veulent se former ou même pour le monde judiciaire, les avocats, les juges…  En matière de criminalité, il existe de nombreuses idées reçues. On pense toujours aux homicides alors que les viols sont bien plus répandus. L’idée de ce centre de recherche, c’est d’être le plus factuel possible pour donner des clés de compréhension.

Peut-on traiter la dangerosité ?

Il n’y a pas évidemment de médicaments miracles contre la dangerosité mais cela ne signifie pas qu’on ne peut rien y faire ! Cela dépend avant tout du profil. Pour certaines personnes, les soins relèvent avant tout du domaine médical. Même en prison, un juge peut demander une injonction de soins. Une psychothérapie, un traitement… Mais il y a également des traitements plus sociaux, notamment éducatifs.