Pâques : un ancien pilote de chasse devenu... chocolatier

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Antoine Jeuffin et B.B
Reouven Shwartz, maître chocolatier à Antony (Hauts-de-Seine) depuis 1998, a eu plusieurs vies. Tour à tour pilote de chasse, informaticien et chimiste, toutes ses expériences lui servent aujourd’hui à exercer son métier avec passion et précision.

"C’est une longue histoire !" D’emblée, dans son laboratoire de l’avenue de la Division Leclerc, Reouven Shwartz, s’amuse de son parcours peu habituel. Comment imaginer que l’homme au tablier, qui fabrique lui-même son chocolat et moule poules, cloches, œufs, et même un ours de près d’un mètre de haut, fut jadis pilote de chasse dans une armée étrangère ? 

Malgré sa petite taille (1,66m), Reouven Shwartz prenait autrefois place dans le cockpit d’un chasseur. "Ça m’avait passionné pendant des années, se souvient-il, mais j’ai arrêté assez rapidement". Après un doctorat en chimie et un autre en informatique, obtenus aux Etats-Unis, Reouven Shwartz arrive en France, pays de sa mère, à l’âge de 29 ans. Mais problème, il ne parvient pas à percer : "J’avais trop de compétences, trop de connaissances, ça ne rentrait pas dans le circuit", regrette-t-il. Lassé, en face d’un recruteur, une idée germe dans son esprit : "si je ne peux pas les avoir par l’intelligence, je les aurai par l’estomac".

"Faire du chocolat, ce n’est pas comme cuire un œuf !". Très vite, Reouven Shwartz se procure une immense librairie autour de la nourriture. Il sera autodidacte. "Un jour, on m’a demandé de faire du chocolat, raconte-t-il. Au début, c’était juste une question de fierté stupide, comme pour l’aviation, de me dire 'je vais réussir à le faire'. J’étais sûr que ce serait facile et j’ai découvert que c’était une des matières les plus difficiles à utiliser parce qu’il faut la maîtriser, presque la séduire, s’amuse-t-il. Ce n’est pas comme cuire un œuf ou travailler une viande !"

poisson

"On est dans un domaine scientifique là-aussi et c’est ça qui m’excite le plus". Ce père de trois enfants, passionné par le thé et le café, est séduit par l’exigence de ce matériau qu’il tâche d’apprivoiser. Attiré par "le travail difficile et la complexité", il se réjouit de pouvoir utiliser dans ce métier d’artisan ses connaissances en chimie, en physique, et même en informatique. Dans sa boutique, sa dernière création, le pokémon Léviathor, sorte de monstre aquatique, tout en chocolat, 15 kg sur la balance.

Il aura fallu de longues heures au maître chocolatier pour concevoir le moule, avant de le remplir au fur et à mesure: "Quand vous faites une structure en chocolat et que vous ne réfléchissez pas avant à comment elle va tenir, elle ne tiendra pas ! Il faut calculer les surfaces, les circonférences…On est dans un domaine scientifique là-aussi et c’est ça qui m’excite le plus", confie Reouven Shwartz, ajoutant que finalement "le métier d’artisan est loin d’être uniquement un métier manuel". 

Pilote de chasse, chocolatier, même combat. L’artisan dresse un parallèle étonnant entre le monde du chocolat… et celui du combat aérien. "Les deux fonctionnent à l’instinct, il faut toujours être sur le qui-vive et avoir les yeux rivés sur l’horizon, regarder toujours plus loin !", avance l’ancien chasseur. "Un pilote qui ne connaît pas son avion par cœur aura toujours un problème à un moment, parce qu’il n’a pas maîtrisé quelque chose. C’est la même chose pour le chocolat : il faut connaître non seulement les machines, mais aussi la matière". 

Sur ce point, Reouven Shwartz connaît son sujet. Tandis qu’il partage son vécu, beurre et poudre de cacao, venus du Mexique, se mélangent et coulent paisiblement dans des cuves. "A chaque fois, nous avons des fèves différentes, du Venezuela, du Costa Rica, et d’Asie", énumère-t-il. Forcément, le résultat obtenu varie et l’artisan laisse libre cours à son imagination : "Avec le chocolat on sait toujours d’où l’on part, mais on ne sait jamais où on arrive". A l’image de son propre parcours.