Notre-Dame-des-Landes : un "plan à la Larzac", c'est quoi ?

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En cas d'abandon du projet d'aéroport, le gouvernement envisage de trouver une forme juridique viable à la ZAD en s'inspirant du modèle inventé dans le Massif central dans les années 1980.

À Notre-Dame-des-Landes, la lutte contre le projet d'aéroport "du Grand Ouest" dure depuis plus de quarante ans. Pourtant, alors que l'avenir de la structure doit être définitivement tranchée d'ici la fin du mois, "il ne peut pas y avoir de gagnant ou de perdant au sens militaire du terme", assure José Bové. Quelle que soit la décision du gouvernement, la "ZAD" ("zone d'aménagement différée", devenue "zone à défendre" pour ses occupants) devra en effet trouver une forme d'existence légale. L'hypothèse d'une construction d'aéroport nécessiterait une évacuation "par la force", comme l'a reconnu le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. Celle d'un abandon de projet pourrait par contre être suivie d'une transition plus douce à moyen terme. Auprès de l'exécutif, elle est soutenue par José Bové, et calquée sur un modèle inventé sur le plateau du Larzac, dans les années 1980.

"Un acte juridique fondateur". Dans le Massif central, ce n'est pas un aéroport mais l'agrandissement d'un camp militaire menaçant 14.000 hectares de terres agricoles dont il était question. Décidé en 1971, le projet s'est vu opposer un mouvement de contestation national et hétéroclite pendant une décennie, avant de se solder par un abandon pur et simple, acté par François Mitterrand. "C'est la première étape", explique José Bové, acteur historique de la lutte du Larzac. "Abandonner ce genre de projet, cela veut dire ne pas renouveler une déclaration d'utilité publique, ou l'abroger. Il s'agit d'un acte juridique fondateur." À Notre-Dame-des-Landes, cette déclaration remonte au 9 février 2008 et couvre une période de dix ans : elle doit théoriquement être renouvelée dans moins d'un mois.

Le plateau du Larzac a été le théâtre de dix ans de lutte contre l'extension d'un camp militaire (photo d'archives AFP)

Une fois la décision actée sur le plateau du Larzac, "on a remis toute la question foncière à plat", poursuit le député européen. "Il faut identifier les propriétaires qui ont vendu à l'amiable, ceux qui ont été expropriés, ceux qui sont prêts à racheter leur bien au prix où ils l'avaient vendu…" Dans le sud-ouest, la majorité des paysans ont choisi l'option qui leur permettait de récupérer leur terre. Un schéma semblable pourrait s'appliquer en Loire-Atlantique, où des centaines de propriétaires résidant sur le site choisi par l'État ont accepté de partir à l'amiable ou été expropriés devant la justice depuis 2008.

"Responsabiliser l'ensemble des habitants". Étape suivante : "calculer ce qui reste au Conseil général dans la zone occupée", poursuit José Bové. Sur le plateau du Larzac, cela représentait 6.300 hectares. "Plutôt que chaque habitant ou chaque agriculteur soit locataire de l'État, on a proposé une solution qui responsabilisait l'ensemble des habitants : la mise en place d'un bail emphytéotique, donc de très longue durée, entre l'État et une structure, qui loue elle aux agriculteurs." Cette structure, la société civile des terres du Larzac, a vu le jour en avril 1985. La sortie juridique de la phase d'expropriation a donc pris quatre ans.

" On sait que c'est un système qui permet de construire un avenir sur des territoires qui ont été bouleversés "

Depuis, "c'est collectivement que les agriculteurs décident des prix des fermages, des attributions des terres. Ce sont eux qui discutent avec les communes", se réjouit José Bové. "Cela fait maintenant plus de 35 ans que l'on a mis ce modèle en place et ça fonctionne tellement bien que Stéphane Le Foll (alors ministre de l'Agriculture, ndlr) l'a prolongé de 99 ans en 2013. On a augmenté le nombre d'agriculteurs de 25% grâce à ce projet, tout en protégeant l'environnement. On sait que c'est un système qui permet de construire un avenir sur des territoires qui ont été bouleversés."

"Pas tout à fait" le même contexte. Quid des occupants présents dans la ZAD par militantisme, sans activité agricole ? "Le contexte n'est pas tout à fait le même", reconnaît José Bové. "Sur le plateau du Larzac, l'hiver était très froid et durait pas loin de six mois. À l'époque on ne parlait pas de zadistes mais de squatteurs, et tout le monde ou presque était là pour une bonne raison, avec une activité. Il y avait des militants, mais ils ne venaient que pour les rassemblements."

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En Loire-Atlantique, "qu'il y ait des gens qui soient venus uniquement parce que ce qui les intéressait c'était de combattre contre, que c'était un lieu d'expérimentation de vie au quotidien, très bien", note le député européen. "Mais l'abandon du projet modifiera radicalement les choses. S'ils n'ont pas envie de rester là , s'ils ont une vie ailleurs, je pense que ceux-là vont naturellement partir. Tous ceux qui sont engagés sur les projets, et c'est la très grande majorité, vont s'inscrire dans le processus. Cette population a vocation à rester." Si tant est qu'il colle à la décision du gouvernement, le scénario pourrait résoudre sans heurt l'épineux dossier de l'aéroport.