Michel Vaujour, le roi de l'évasion : "j'ai été très marqué par ma première peine de prison"

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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte, l'ancien détenu qui s'est évadé cinq fois de prison, revient sur son parcours.

Michel Vaujour est l'un des gangsters les plus célèbres de France. À 67 ans, il a passé 27 années en prison, dont 17 en Quartier de Haute Sécurité (QHS). Dans les années 1970 et 1980, il s'est échappé cinq fois de prison. L'ancien braqueur était chez Christophe Hondelatte mercredi, pour évoquer la première partie de sa vie. La seconde est diffusée jeudi, sur Europe 1, à partir de 14 heures.

30 mois qui changent tout. Michel Vaujour a vécu une enfance difficile, c'est le moins que l'on puisse dire. À 4 ans, ses parents l'abandonnent pour le confier à sa tante, une femme exceptionnelle, mais qui meurt à huit ans. Il doit donc retourner chez son père, qui le terrifie. Une fêlure éternelle pour l'intéressé.

À 19 ans, alors qu'il habite dans un HLM de Châlons-en-Champagne, près de Reims, avec sa compagne de l'époque, Zabeth, les policiers débarquent chez lui. S'ils sont là, c'est parce que Michel a volé une voiture lorsqu'il est rentré de boîte de nuit la veille. Ce n'est pas la première fois, mais d'habitude, il remet la voiture à sa place. Sauf qu'hier, il était trop fatigué, il a oublié. Alors la police se pointe à son domicile. Michel Vaujour se fait la malle en passant par la fenêtre de chez lui. Une première cavale qui va durer deux semaines, mais il finit par être arrêté.

À la fin des années 1970, Michel Vaujour se retrouve donc au tribunal pour vol de voiture. La sanction tombe : 30 mois de prison ferme et une interdiction de séjour dans 21 départements pendant 5 ans. C'est très sévère pour un vol de voiture. "Ça et la trahison de la femme avec qui j’étais à l’époque, ça a tout disqualifié", confie Michel Vaujour sur Europe 1. "Pour moi, toutes les valeurs du monde s’écroulaient, tout était bidon, du vent". L'ancien détenu le concède : sans cette condamnation à l'époque, le Michel Vaujour que l'on connaît aujourd'hui n'aurait jamais existé. "J'ai été très marqué par ma première peine de prison", souligne-t-il.

Rattrapé par les autorités. Il sort de prison en décembre 1972, alors qu'il a 21 ans. Direction Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, un département où il est pourtant interdit de séjour. Michel Vaujour n'a qu'une seule idée en tête : récupérer Zabeth, partie avec un autre. Si bien que lorsqu'elle ne répond plus au téléphone, alors qu'il avait gardé le contact, il prend la route pour retourner à Châlons-en-Champagne. Son véhicule le lâche pendant le trajet et manque de chance, une voiture de policiers s'arrête à sa hauteur pour s'enquérir de la situation. En une fraction de seconde, Michel Vaujour prend la mauvaise décision. Il s'enfuit, laissant derrière lui tous ses papiers. Il vole à nouveau une voiture, mais arrivé à Mâcon, le véhicule le lâche à nouveau et cette fois-ci, ce sont des gendarmes qui s'arrêtent pour lui venir en aide. Re-fuite, re-cavale, mais Michel Vaujour n'arrive pas à semer ses poursuivants. Il retourne en prison.

Le cycle des évasions. Enfermé dans l'établissement pénitencier de Mâcon, Michel Vaujour n'a qu'une seule idée en tête : s'évader et être libre. Il repère rapidement que des prisonniers "modèles" chargent un camion, à l'entrée de la prison. Alors il se met en tête d'en remplacer un, sauf que lui, une fois dans l'entrée de l'établissement, il prendra ses jambes à son cou pour se faire la belle. Quelques jours plus tard, il met son plan à exécution. Il est libre. Sa première évasion.

Le voilà de retour à Châlons-en-Champagne, mais il a besoin d'argent. Michel Vaujour se lance alors dans les cambriolages, sans grand succès et une nuit, il se fait pincer. Il retrouve les barreaux d'une cellule pour la troisième fois. Son objectif ne change pas pour autant : la liberté. Il alterne entre le mitard (quartier disciplinaire) et les cellules partagées. L'oeil toujours vif, attentif au moindre détail, il repère un grillage rouillé et tout un itinéraire pour s'échapper. Un jour, il passe à l'action, après plusieurs semaines de repérages. Mais au moment de franchir le mur, son corps ne supporte pas les six mètres de hauteur entre son saut et le point de chute : double fracture de la cheville et du tibia.

De retour à la prison de Châlons-en-Champagne quelques semaines plus tard, après un séjour à l’hôpital, il trouve un complice pour s'échapper. Cette fois-ci, il scie les barreaux et utilise ses draps pour faire une corde. Cette nouvelle tentative est la bonne. Le voilà libre, pour la deuxième fois.

Mais les évasions se suivent et se ressemblent. Michel Vaujour a besoin d'argent, à nouveau. Cette fois-ci, il se lance dans les braquages avec son complice d'évasion. Jusqu'au jour où il se fait de nouveau attraper. Il est réincarcéré à la prison de Châlons-en-Champagne, au mitard, puis dans une cellule à double rangée de barreaux et barbelés aux fenêtres. Mais cela ne le décourage absolument pas.

L'évasion "Babybel". Avec ses compagnons de cellule, Luigi et Gilles, ils se lancent dans une opération incroyable. Ils vont percer la porte de leur cellule avec un thermoplongeur, passer le bras dans le trou et ouvrir la porte avec un double de clé qu'ils auront eux-mêmes fabriqué. Comment ? Grâce à un bout de métal, scié et travaillé pendant des semaines et des nuits entières. Pour le faire correspondre à la clé de leur cellule, ils ont utilisé de la cire de Babybel et pris l'empreinte de la clé en faisant mine de bousculer un surveillant. Une fois le modèle entre les mains, il ne restait plus qu'à faire correspondre le bout de métal avec. "C’est énorme le travail qu'il y a eu pour aboutir à ça", ne cache pas Michel Vaujour, "c'était du beau boulot".

Après des semaines de travail, le trio se lance. Tout fonctionne à merveille, sauf que Luigi et Gilles renoncent à quitter leur cellule. Tant pis, Michel Vajour partira seul. Le voilà de nouveau libre. Sa troisième évasion.

>> La suite du parcours de Michel Vaujour, à écouter demain sur Europe 1 dans Hondelatte raconte, dès 14 heures