Les enseignants réservés sur la journée de la laïcité

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Najat Vallaud-Belkacem s'est rendu au collège Matisse, dans le XXe arrondissement de Paris, pour la Journée de la laïcité à l'école. © MARTIN BUREAU / AFP
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FLOP ? -  Entre mauvais timing, souci de sécurité et bide de la réserve citoyenne, certains enseignants ne sont pas vraiment mobilisés, mercredi, pour la journée de la laïcité à l'école.  

Instituée par François Hollande juste après les attentats de janvier, la première "Journée de la laïcité à l'école" est organisée ce mercredi 9 décembre. Organisée mais pas forcément célébrée partout en France. Pourtant, l'école est souvent désignée comme un rempart contre la radicalisation. Selon un sondage Ifop pour le Comité national d'action laïque (Cnal) publié mercredi, près de neuf Français sur dix (87%) jugent que la laïcité à l'école est quelque chose d'important. Mais ce grand raout de la laïcité ne semble pas vraiment passionner les enseignants. 

"Une journée de la laïcité ? Vous me l'apprenez !" Dans son dernier numéro, le magazine francophone en ligne de l'État islamiqueDar al Islam, a directement visé l'Ecole de la République française et son "éducation mécréante". Dans ce texte, Daech s'en prend directement à la charte de la laïcité affichée depuis 2014 dans tous les établissements scolaires (à retrouver ici). "Il est indispensable de transmettre encore et toujours les valeurs de laïcité dans nos classes", répond Karim, professeur dans un lycée de la banlieue parisienne. "Nous sommes les premiers à nous battre contre la radicalisation. Après, il faut le faire tous les jours, pas seulement le 9 décembre".

" La réserve citoyenne, un simple coup de communication "

"Conscients" et "concernés" sont les deux mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des enseignants. Un "grand oui" pour parler de laïcité. Encore "oui" pour dialoguer avec leurs élèves sur des sujets aussi "délicats" que le djihadisme. Mais selon eux, le problème est souvent le même : "on n'a pas de moyens". "La communication du ministère est toujours aussi mauvaise", déplore une institutrice toulousaine qui préfère garder l'anonymat. "Une journée de la laïcité ? Je ne le savais même pas. Vous me l'apprenez !", ironise une de ses collègues.

"Pas du tout le bon moment". Si la date de cette première journée n'a pas été choisie au hasard (le 9 décembre célèbre le 110e anniversaire de la séparation de l'Eglise et de l'Etat), elle est souvent passée inaperçue dans les établissements scolaires. Le ministère a laissé à la discrétion des équipes la possibilité d'organiser ou non des activités pédagogiques autour de la laïcité. Résultat : la mobilisation est très inégale.


"Cette première journée tombe au plus mauvais moment", selon Pierre Favre, président du Syndicat national des écoles (SNE). "On est actuellement en plein plan Vigipirate. On est donc extrêmement concentrés sur la sécurité". Très remonté contre le ministère, le syndicaliste déplore le "mauvais timing" de cette journée. "Le Premier ministre et le Président ont expliqué qu'on était en guerre. On est en état d'urgence et on veut organiser des journées débat ?", s'étrangle-t-il.

Vigipirate-école

Le bide des réservistes. Autre raison du flop de cette "Journée de la laïcité" : l'échec de la réserve citoyenne. Juste après les attentats contre Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, le gouvernement avait fait de cette mesure l'une de ses annonces phares. Le principe était plutôt noble sur le papier : créer une réserve de citoyens volontaires pour aller dans les écoles et aider les enseignants à parler des valeurs de la République comme la laïcité. "Une très belle idée seulement sur le papier", déplore Marie, jeune professeur d'histoire dans un collège de la capitale. "Mais on n'a jamais vu personne depuis janvier. Ni dans ma classe ni dans les autres".

Pourtant, les candidats existent. La ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem a assuré à maintes reprises "avoir reçu des milliers de courriers de volontaires". Selon les chiffres officiels du ministère, 5.400 réservistes s'étaient inscrits. Inscrits mais toujours pas sur le terrain. "Je me suis pré-inscrite fin janvier. J'ai reçu un message en mai, me demandant d'expliciter vaguement mon parcours. Puis aucune nouvelle", raconte Karine Miermont dans les colonnes de Libération. "Jusqu'à ce courrier mi-octobre me conviant à une réunion d'information à la Sorbonne la semaine dernière… Ce soir-là, déplore cet écrivain de 50 ans, j'ai compris que rien n'avait encore été organisé ! J'en suis ressortie avec cette impression que toute cette histoire n'était qu'un coup de communication".