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La question de la légalisation du cannabis revient dans l'actualité. Pour Frédéric Ploquin, spécialiste du crime organisé, cette solution n'en est pas une.
INTERVIEW

Après la fusillade qui a fait deux morts, lundi, dans un quartier de Grenoble connu pour son trafic de drogue, le maire de la ville exige un débat sur la légalisation du cannabis. La question revient en force dans l’actualité : déjà posée par le député Patrick Mennucci après des règlements de compte à Marseille, elle a également été soulevée par le secrétaire d’État Jean-Marie Le Guen.

"Ce qui s’est passé à Grenoble se passe beaucoup plus souvent qu’on ne le pense. Là, on en a parlé parce qu’il y a deux morts, mais pour remettre les choses en place il s’agit de petits voyous, de rivalités entre points de deal, entre cages d’escalier", explique Frédéric Ploquin, journaliste spécialiste du grand banditisme chez Marianne, et co-auteur de True Crime. Volume 1 : Les prototypes.

L'État laisse entrer de la drogue en France. Pour ce spécialiste, le débat en France sur une possible légalisation du cannabis n'a jamais eu lieu, mais la situation est déjà contradictoire en de nombreux points. "Les services de l’État qui sont mobilisés contre le trafic de stupéfiants recrutent des indicateurs. C’est le paradoxe : une partie de la drogue consommée en France est importée par le biais d’indicateurs contrôlés par les douanes, la police ou l’Office central des stupéfiants. Ça a des limites, ce système qui consiste à confier à des indics la possibilité d’importer de la drogue, pour ensuite aller faire tomber les réseaux qui la revende", analyse-t-il au micro d’Europe 1 Matin.

Vers un État dealer ? La légalisation "déstabiliserait" le marché de la drogue, "mais derrière, est-ce que vous imaginez l’État dealer ?  Est-ce qu’on est prêt en France à avoir des producteurs de cannabis comme en Californie ? (...) Le cannabis consommé en France aujourd’hui est produit au Maroc. Est-ce qu’on imagine, demain, la France dans le cadre de traités commerciaux traiter avec des producteurs pour importer ?", questionne Frédéric Ploquin.

Flexibilité du crime organisé. "Il y a une économie souterraine dans ce pays qui est absolument gigantesque, qui structure et qui fait vivre des milliers de personnes", explique le journaliste, pour qui la légalisation du cannabis ne réglerait pas nécessairement le problème d’un banditisme "flexible et adaptable".  "Le crime organisé trouverait toujours autre chose à se mettre sous la dent. Je ne suis pas certain que les jeunes qui s’entretuent pour trois barrettes de shit, ne s’entretueraient pas pour autre chose…", déplore-t-il.