Le retour du service militaire, une bonne idée ?

Le retour du service militaire suspendu depuis vingt ans ? La question émerge dans la campagne présidentielle.
Le retour du service militaire suspendu depuis vingt ans ? La question émerge dans la campagne présidentielle. © JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
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A.D
Bénédicte Chéron et Pierre Servent, spécialistes des questions militaires reviennent sur une question qui a émergé pendant la campagne présidentielle : le retour du service militaire.

Le retour du service militaire suspendu depuis vingt ans ? la question émerge dans la campagne présidentielle. Emmanuel Macron est pour et souhaite un mois de service national obligatoire. Marine Le Pen, tout comme Nicolas Dupont-Aignan proposent un service de trois mois. François Fillon n'en veut pas quand Benoît Hamon insiste sur le service civique. Pour débattre des intérêts d'un éventuel retour du service militaire qui concernerait 600.000 jeunes par an, Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et auteur de Les présidents et la guerre et Bénédicte Chéron, historienne et spécialiste des relations entre l’armée et la société, étaient les invités d'Europe Midi.

Découvrir une vocation. L'intérêt du service militaire est "multiple" pour Pierre Servent : "Ce n'est pas mal dans nos sociétés où tout est gratuit, libre, d'avoir une obligation pour nos jeunes citoyens." Le spécialiste voit aussi le service militaire comme "un petit parcours initiatique touchant aux questions de défense (...) et pendant un mois, ça peut permettre à des jeunes de basculer dans cette réalité, de toucher quelque chose de charnel par rapport à la nation, aux engagements militaires." Il voit aussi dans cette mesure "une fenêtre pour un engagement futur dans la réserve opérationnelle, la garde nationale et l'armée professionnelle." D'après lui, des jeunes qui n'avaient aucun lien avec la réalité militaire pourraient se découvrir une vocation. 

Une durée suffisante pour être initié. Quant à la durée d'un mois, elle lui semble suffisante, même s'il ne verrait pas d'inconvénient à une période un peu plus longue. "En un mois, on ne forme pas un combattant, mais vous pouvez toucher du doigt une série de choses, en vous dépassant physiquement, en faisant des activités en équipe." C'est aussi l'occasion en un laps de temps relativement court de "combler la méconnaissance abyssale du monde militaire", estime-t-il.

Le gros défi de la prise en charge des dysfonctionnements sociétaux. L'historienne est convaincue par ces arguments mais garde un doute quant à la finalité de ce service. "On oublie de se rappeler que la fonction première du service militaire, c'était de former des combattants capables de prendre les armes pour servir les intérêts de la nation. Dans tous les dispositifs qu'on nous présente actuellement, cet objectif-là a complètement disparu", ce qui entraîne l'historienne à s'interroger sur les termes mêmes de "service militaire" et le fondement de ce service qui perdrait de son sens. L'historienne souligne un autre problème : "On est en train de demander aux armées de prendre en charge tout ce qui dysfonctionne dans la société. Or dans l'état actuel de la Défense et de ses budgets, je ne vois pas bien comment on peut mettre en place ce dispositif."

La difficulté du budget. En termes de budget, Emmanuel Macron a chiffré la mesure à 2 à 3 milliards sur un an en régime de croisière. Mais cela demanderait auparavant des investissements bien plus importants. "On a un peu vendu les bijoux de famille", acquiesse Pierre Servent car "cela fait 40 ans qu'on tape sur le budget de la Défense. Il faut remettre en place des casernes. C'est un énorme effort. il y aussi le problème de l'encadrement", d'autant que l'armée est "en surchauffe partout", ajoute le spécialiste, pour qui la mesure reste néanmoins un défi "à relever".