Le loup, d'"espèce protégée" à "ennemi public" ?

301 loups vivent en France selon le dernier comptage de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
301 loups vivent en France selon le dernier comptage de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
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Noémi Marois , modifié à
TOURNANT - Un "permis de tuer" des loups sur des périodes de 6 mois pourrait être donné directement aux éleveurs par les préfets. 

Permis de tuer pour les éleveurs. En cas d'attaque de troupeaux, une autorisation de tuer des loups sur leurs communes pourrait être donnée directement aux éleveurs par les préfets selon une disposition proposée par les sénateurs et conservée jeudi, dans le projet de loi d'avenir sur l'agriculture.

Les mots ont leur importance. Jusque là, les préfets autorisaient les éleveurs à des "tirs défensifs" en cas de situation de danger et sur la zone du pâturage seulement. On passerait donc à une autorisation de tuer des loups sur le territoire entier de la commune.

Une croissance numérique et géographique. Au nombre de 15.000 individus en France au 16ème siècle, éradiqué en 1937, le loup est réapparu en 1992 dans les Alpes, en provenance d'Italie. En 2014, 301 individus vivent de manière permanente dans 17 départements, surtout montagneux. Mais il est aussi vu de manière sporadique dans 11 départements dont les Bouches-du-Rhône, le Puy-de-Dôme ou encore aux portes de l'Île-de-France, dans l'Aube. 

Le fonctionnement interne de la meute explique cette croissance géographique. Les louveteaux une fois indépendants, sont poussés à fonder leur propre meute. Ils s'installent alors à 200 kilomètres en moyenne de leur zone d'origine. Qu'importe le territoire, le loup s'adapte à partir du moment où il trouve de la nourriture. 

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© Reuters

"Le loup est très intelligent". Jean-Marc Moriceau, historien des campagnes et auteur de Vivre avec le loup ? 3.000 ans de conflit (éd. Tallandier) livre son analyse à Europe1.fr : "Le loup a été de tout temps le reflet des dysfonctionnements de la société rurale. Comme il est aujourd'hui interdit de le chasser suite à la Convention de Berne signée par la France en 1993, le loup se sent fort et s'attaque à plus faible car il sait qu'il ne sera pas puni pour ça. Le loup est en plus très méfiant. Quand il se sent chassé, il se cache dans les forêts." 

Résultat, la dérogation à la Convention de Berne qui autorise actuellement la France à "prélever" 24 individus par an, n'est même pas honorée. Une dizaine de loups sont tué par an par des lieutenants de louveterie. 

Brebis vs loup. Pour les éleveurs ovins, la situation est dramatique. De 1.500 brebis tuées en 2000, on est passé à 6.700 en 2013. Frank Dienny possède 700 brebis. Les attaques de loup, il en a fait plusieurs fois l'expérience. La plus grosse il y a quatre ans, lui a fait perdre 50 bêtes : " Une partie a été tuée par des loups, d'autres, prises de panique, ont sauté du haut d'une falaise. J'ai dû en achever 14. C'était juste horrible à voir, il faut imaginer un peu. Les brebis blessées dépérissent sur plusieurs semaines car les morsures de loup guérissent rarement. Sans parler du traumatisme. La peur du loup rend les femelles stériles. C'est curieux que les défenseurs des animaux prennent la défense du loup et ne soient pas émues de la souffrance de mes bêtes".

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"Le paysan ? Un producteur, pas un tueur". Contacté par Europe1.fr, Serge Preveraud, président de la filière ovine de la FNSEA, approuve la disposition de donner un permis de tuer aux éleveurs. "C'est le signe que l'administration prend la mesure du problème." Mais il ne s'emballe pas : "Le paysan est un producteur, pas un chasseur. Cette mesure est toujours bonne à prendre mais l'idéal serait l'autorisation donnée aux éleveurs et aux chasseurs d'organiser ensemble des battues." Il rappelle aussi qu'il souhaite seulement limiter la croissance numérique et géographique du loup.

Des troupeaux insuffisamment protégés ? Pour les associations de défense de la biodiversité, pas question de battues. "Le prélèvement actuel ou les battues n'ont pas de sens. Il y a un an, une louve allaitante a été tuée, ce qui a sans doute entraîné la mort de sa portée. C'est une aberration", selon Patrick Boffy de l'association Ferus, "les loups tués doivent être ceux qui sont effectivement dangereux et qui ont commis des attaques." Il reproche aussi aux éleveurs de ne pas protéger assez leurs bêtes : "Il existe des systèmes de clôtures électrifiées de haute taille. L'État les encourage aussi financièrement à utiliser les chiens patou et la présence humaine des bergers pour faire fuir les loups. Ça marche en Allemagne. Mais les éleveurs français ne veulent pas investir."

Frank Dienny répond avec son expérience d'éleveur : "Le loup s'adapte. J'ai constaté que les clôtures électrifiées ne lui font plus peur. Et les chiens patou à vouloir trop défendre les troupeaux s'attaquent aux randonneurs et aux vététistes, quand ils ne sont pas tués par les loups." Mais de là à se réjouir d'un permis de tuer, il y a une marge: "l'État ne doit pas se décharger sur nous, nous avons déjà assez de travail comme ça." 

De son côté, la ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, Ségolène Royal, s'est prononcée en faveur de nouvelles mesures mercredi puisque le nombre de loups "recensés dépasse celui qui était fixé." Elle recevait d'ailleurs vendredi l'ensemble des préfets pour parler du "problème" du loup.

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