L'affaire Edgar Boulai : quadruple meurtre à Vaux-le-Pénil

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Guillaume Perrodeau
En 1995, une famille de quatre personnes disparaît, sans donner de nouvelles. Elles ont en fait été tuées par un homme qui a récupéré leur squat…

En septembre 1995, une famille entière disparaît à Vaux-le-Pénil, en Seine-et-Marne. Une mère fait tout pour alerter les autorités qui refusent de débuter une enquête. Des mois plus tard, la terrible vérité se fait jour, comme l'a raconté Christophe Hondelatte mercredi.

>> De 14h à 15h, c’est Hondelatte raconte sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission de Christophe Hondelatte ici

Une étrange disparition. Septembre 1995. Voilà dix jours que la mère de Stéphanie Sané, Gilberte Crovisier, n'a plus de nouvelles de sa fille, de son gendre, Donald Davila, et de ses petits-enfants, Donald Junior et Donatella. Ce n'est pas habituel. Stéphanie avait même prévu de venir la voir. Inquiète, elle se rend où ils habitent, à Vaux-le-Pénil, dans un cabanon qu'ils squattent sur un terrain. Sur place, personne. Les voitures sont encore là, le cabanon semble vide mais tout est en ordre. Gilberte Crovisier se renseigne auprès d'un ami de Donald Davila, Roland, qui lui raconte que son gendre était lié à un trafic de drogue : peut-être a-t-il cherché à fuir avec sa famille…

Gilberte Crovisier doute de cette version. Le soir même, elle retourne au cabanon. Surprise, de la lumière à l'intérieur. Mais quand elle frappe à la porte, ce n'est pas sa fille qui vient lui ouvrir. Elle tombe sur un grand homme, un Martiniquais, qui se présente comme un ami de Donald et le parrain d'un des deux enfants. Son nom est Edgar Boulai. Il explique à Gilberte Crovisier que toute la famille est partie un beau matin, lui laissant la charge du cabanon. Stéphanie serait partie sans la prévenir ? Gilberte Crovisier n'en croit pas un mot.

L'inaction des autorités. Elle se rend au commissariat de Melun pour signaler la disparition de sa fille, mais la police ne veut rien savoir. Stéphanie Sané est majeure, elle a le droit d'aller où elle le souhaite. Ce discours, Gilberte Crovisier et les amis de Donald et Stéphanie vont l'entendre des dizaines de fois. À chaque fois, leur volonté d'agir va se heurter au refus des autorités, justifié par le fait que des personnes majeures sont libres d'aller où ils le souhaitent, sans en référer à leurs proches. Plusieurs fois, Gilberte Crovisier va retourner sur le terrain, où Edgar Boulai prend de plus en plus ses aises. Il dit ne pas avoir de nouvelles de Stéphanie et Donald, et pense qu'ils ne reviendront pas…

Enfin la possibilité d'une plainte. Pendant neuf mois, Gilberte Crovisier est toujours sans nouvelles de sa fille. Mais un fait va tout changer. Un jour, elle retourne sur le terrain du cabanon et constate que les deux voitures ne sont plus là. En guise d’explication, Edgar Boulai explique les avoir vendues. C'est grâce à cette vente que la famille de Stéphanie Sané va pouvoir porter plainte contre Edgar Boulai pour vol de voiture, directement auprès du procureur de la République. Enfin les autorités s'intéressent au cas de cet homme. Et son pedigree fait peur à voir. Des dizaines de condamnations pour violences, conduite en état d'ivresse, attentat à la pudeur, vol…

L'étau se resserre. Quand les gendarmes veulent perquisitionner le cabanon, ils remarquent des choses étranges : une grosse tâche sur le plancher, un bout de moquette changé, un pan de mur retapissé. Inquiétant. Les enquêteurs interrogent la maîtresse d'Edgar Boulai. Après avoir livré la version du départ de la famille, elle explique finalement une tout autre et terrible vérité. Dans la nuit du 17 septembre 1995, elle raconte avoir été séquestrée dans le cabanon. Alors qu'elle dormait, elle a été réveillée par des bruits terribles, comme si on égorgeait des animaux… Elle explique aux enquêteurs qu'ensuite, Edgar Boulai les a sans doute enterrés, sur le terrain.

Les quatre corps retrouvés dans le jardin. Quelques coups de pelleteuses viendront confirmer cette terrible version des faits. Les quatre corps de la famille sont retrouvés dans le jardin, au milieu de dizaines d'os de poulet, dans ce qui ressemble à un assassinat autour d'un rite vaudou. Nous sommes le 23 septembre 1996, un an après les premières inquiétudes de Gilberte Crovisier. Jamais Edgar Boulai n'avouera. Ni aux enquêteurs, ni pendant le procès, restant mutique pendant les huit jours d'audience. Le mobile ? Sans doute ce bout de terrain, ce squat, que l'homme aurait ainsi récupéré. Le 18 juin 2000, Edgar Boulai est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.