La fessée bientôt interdite en France ?

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Virginie Salmen, édité par Grégoire Duhourcau , modifié à
Après plusieurs tentatives de faire voter une loi pour interdire la fessée et tous les châtiments et punitions corporels en France, une nouvelle proposition de loi sera soumise au vote le 29 novembre. Ce pourrait être la bonne.

Les fessées, gifles et autres cris et humiliations sur un enfant sont en passe d'être interdits en France. C'est une proposition de loi, qui sera soumise au vote le 29 novembre et qui a reçu le soutien de quatre ministres du gouvernement. Parmi eux, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, va enfoncer le clou par voie de presse, mardi. Il s’agit d’inscrire dans la loi l’interdiction des châtiments corporels, des brimades et humiliations verbales et psychologiques mais aucune sanction pénale n'est prévue. La France serait l'un des cinq derniers pays d'Europe à se doter d'une telle loi.

Les "enfants ont droit à une éducation sans violence", affirme le texte

Il y a déjà eu plusieurs tentatives de faire voter une loi pour interdire la fessée et tous les châtiments et punitions corporels en France. La dernière en date remonte à 2016. Le texte avait été voté puis retoqué par le Conseil constitutionnel pour un vice de forme. Dans cette nouvelle proposition de loi, les termes sont précis, les choses sont nommées. Au lieu d'interdire les "violences corporelles", le texte affirme que les "enfants ont droit à une éducation sans violence" et que les parents "ne peuvent user de moyens d'humiliation que sont la violence physique et verbale, les punitions ou les châtiments corporels ou les souffrances morales".

Concrètement, si cette loi est votée, on ne pourra plus donner une fessée ou gifler son enfant, ni crier sur lui ou lui dire qu'il est nul, qu'il n'est pas capable de réussir, qu'on ne l'aime pas, qu'on regrette de l'avoir fait. Tout ce qui relève de l'humiliation sera interdit. Mais il y a encore des résistances sur la question alors que 85% des Français disent avoir déjà donné une claque ou une fessée à leurs enfants. L'idée qu'un père ou une mère fait ce qu'il veut avec "ses" enfants perdure.

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Un débat au sein même des foyers

Parfois, le débat existe au sein même des familles. C'est le cas chez Olivia, une mère de quatre enfants, fermement opposée à la fessée. Pourtant, son mari en donne parfois à leurs enfants quand il est à bout de nerfs. Un geste qu'elle n'arrive pas à faire cesser sous son toit. "Quand mon mari met une fessée à l'un de mes enfants, je me sens très mal parce que je culpabilise un peu. Je me dis que j'aurais peut-être dû intervenir avant. (...) Je me sens impuissante, je me dis qu'on aurait pu l'éviter", confie-t-elle sur Europe 1.

En guise d'exemple, Olivia prend "le matin quand les enfants doivent s'habiller et que ça n'avance pas assez vite". "Du coup, sur un moment d'énervement, le stress, ce sont ces moments de pression qui font qu'à un moment donné, la fessée part." Et quand cela arrive, elle doit "expliquer aux enfants" qu'elle y est "opposée et qu'au contraire, il faut faire autrement". "C'est moi qui vais les consoler, qui vais leur expliquer ou faire le débrief de ce qu'il s'est passé. Finalement, ça n'avance à rien."

Marlène Schiappa, qui soutient ce texte, souligne qu'"il n'y a aucune violence qui soit éducative, il n'y a pas de petite claque". C'est exactement la ligne de la députée MoDem qui porte la proposition de loi, Maud Petit. Elle explique qu'il y a en France, tout un contexte culturel qui semble justifier, tolérer, les violences sur les enfants. Toutes nos maximes par exemple : "Qui aime bien, châtie bien !" Pourtant, aujourd'hui, il existe des preuves scientifiques de l'inefficacité éducative de la fessée ou des coups de règle sur les doigts.

Une loi sans sanctions

"Faire mal ne fait pas comprendre les choses. Faire mal ne permet pas d'éduquer. Aujourd'hui, il y a de nombreuses études qui démontrent que la valeur éducative de la claque ou de la fessée est une fausse croyance. Dans l'immédiat, l'enfant va cesser, mais pas dans la durée. Un enfant qu'on a tapé une première fois va probablement recommencer la même chose plus tard. Ça veut dire quoi ? Au lieu de lui donner une petite tape sur la main ou sur les fesses, on va lui donner un coup de poing ?", confie Maud Petit sur Europe 1. "Quand vous êtes énervé par rapport à un voisin, un collègue, vous le frappez ? Non. Il faut faire comprendre qu'un enfant a les mêmes droits qu'un adulte", plaide la députée.

"Faire comprendre", voilà donc le principal objectif de cette loi à laquelle aucune sanction n'est rattachée. Il existe déjà des peines pour les violences légère sur enfant, mais ça se passe dans 99% des cas à la maison, et personne n'est là pour témoigner. Par ailleurs, le droit français contient toujours un droit de correction des parents sur leurs enfants. Cela fait des années que les juges ne l'appliquent plus et cette loi viendrait gommer ce doit de correction. Les rapporteurs du texte sont conscients des limites que peut comporter une loi sans sanction, mais ils estiment que ce sera plus productif d'éveiller les esprits que d'appliquer une politique punitive.