La contrôleure des prisons dénonce "l'escalade" des atteintes au droits fondamentaux

Dans son rapport, la contrôleure des lieux de privation de liberté critique notamment l'augmentation de la part des détenus en détention provisoire (photo d'illustration).
Dans son rapport, la contrôleure des lieux de privation de liberté critique notamment l'augmentation de la part des détenus en détention provisoire (photo d'illustration). © Pascal GUYOT/AFP
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M.L
Dans son rapport annuel d'activité, Adeline Hazan pointe entre autres la vidéosurveillance en cellule, rendue légale après le transfert en France de Salah Abdeslam.

Dans son rapport annuel d'activité 2015, la contrôleure générale des lieux de privation de Liberté, Adeline Hazan, posait la question de "l'équilibre entre les droits fondamentaux et la sécurité" dans le contexte de la menace terroriste et de l'état d'urgence. Un an plus tard, l'édition 2016 du même rapport, rendue publique mercredi, tire la sonnette d'alarme. "C'est peu dire que nos inquiétudes étaient fondées", estime la contrôleure, qui "n'a pu que constater un recul de ces droits, à la fois dans les dispositifs législatifs votés dans l'urgence, et lors des 146 visites d'établissements effectuées au cours de l'année".

"Satisfaire les attentes de l'opinion publique". Parmi ces "dispositifs législatifs", Adeline Hazan pointe "une retenue de quatre heures, dans un local de police, sans avocat", instaurée pour toute personne ayant fait l'objet d'un contrôle d'identité dès lors qu'il existe "des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités terroristes". "Ce critère est bien flou, et donc dangereux, dans un État qui se veut un État de droit", juge-t-elle.

La contrôleure critique également la légalisation de la vidéosurveillance en cellule, disposition "attentatoire à la dignité et à l'intimité, adoptée en termes très généraux à l'intention d'une personne détenue particulière et qui pourra à l'avenir s'appliquer dans de nombreuses circonstances". Une référence à peine dissimulée à Salah Abdeslam, seul survivant des commandos du 13-Novembre et détenu en France depuis avril 2016. Pour Adeline Hazan, une telle surveillance "ne devrait être réservé(e) qu'à des situations exceptionnelles, et en tout dernier recours, non pour satisfaire les attentes de l'opinion publique".

20.000 personnes en détention provisoire. "Cette logique dangereuse n'est hélas pas nouvelle : c'est celle de l'escalade", écrit la contrôleure générale. "On sait bien que l'on s'habitue à ce que des mesures décidées dans des périodes exceptionnelles fassent peu à peu, sans qu'on y prenne garde, partie du paysage et s'inscrivent dans l'arsenal répressif sans plus jamais être remis en cause." Et de citer l'exemple des "fichés S", dont certains politiques proposent "l'enfermement" alors que le signalement dont ils font l'objet "n'a jamais été validé ni par une procédure contradictoire, ni par un jugement".

Selon Adeline Hazan, ce recul des droits fondamentaux s'observe également dans "la réalité de la vie quotidienne des établissements" visités par l'institution tout au long de l'année. "Le nombre de détenus provisoires (donc présumés innocents) a dépassé en 2016 le seuil symbolique des 20.000, augmentant de 14% par rapport à 2015", souligne-t-elle. "Ce constat infirme les propos régulièrement tenus sur une justice supposée 'laxiste'". Conséquence, selon le rapport : un accès réduit à la santé, au travail et un moins bon maintien des liens familiaux en prison, autant d'éléments indispensables à la réinsertion.