L’appel du PS à ouvrir des écoles musulmanes inquiète les enseignants

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Un communiqué du PS appelle au "développement de l’enseignement privé confessionnel musulman”. Pour les syndicats cette mesure va à l’encontre du vivre-ensemble.

L’affaire cristallise une nouvelle fois le malaise à gauche autour de la laïcité et de l’islam. Un communiqué du parti socialiste, daté du 26 février dernier, appelle au "développement de l’enseignement privé confessionnel musulman”. Cette proposition, qui vise à ouvrir davantage d’écoles musulmanes, figure dans un rapport sur la cohésion républicaine, commandé dans la foulée des attentats de janvier. Repérée le 8 mars par le secrétaire national à la laïcité du Parti radical de gauche, cette annonce inquiète désormais l’ensemble des syndicats de l'Education. Forcé de s’expliquer, le Parti socialiste plaide la “maladresse dans la formulation”.

Des écoles privées sous contrat. Dans son rapport sur la “cohésion républicaine”, commandé dans la foulée des attentats de janvier et rendu public le 1er février, le Parti socialiste proposait déjà de renforcer l’enseignement privé musulman. Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, avait même confirmé ce projet, le 25 février, en conseil des ministres.

L’objectif selon le rapport est de “mieux organiser la place de l’islam dans la République”. Et pour se faire, le PS compte multiplier le nombre d’établissements privés musulmans. Les autorités entendent ainsi encadrer davantage les établissements scolaires confessionnels en les incitant à passer sous contrat avec l’Éducation nationale.

“On ne peut pas refuser de contractualiser des établissements”. “Je ne théorise pas une extension de l’enseignement privé aux dépens du public. Mais il existe 9.000 établissements catholiques sous contrat, 130 de confession juive, et seulement deux musulmans. On ne peut pas refuser de contractualiser des établissements, ça me paraîtrait discriminatoire”, justifie Laurent Dutheil, le secrétaire national du PS à la laïcité, dont la mesure a été vivement critiquée par les syndicats de l’Éducation nationale.

“Nous somme dans une école qui est publique et laïque”. Pour Frédérique Rolet, secrétaire générale du SNES, l’Etat est d’abord censé promouvoir le vivre-ensemble et non pas le chacun chez soi. “J’avoue que j’ai été extrêmement surprise, voire choquée, en me disant que le PS perdait tous ses repères. Au moment où l’on parle de la réactivation de la loi 1905 sur la laïcité, et de la nécessité d’expliquer le sens de la laïcité, ce n’est pas à l’Etat de promouvoir un enseignement confessionnel, puisque nous somme dans une école qui est publique et laïque”, estime-t-elle.

"Jusqu’à présent, le PS semblait plutôt faire avec l’héritage de la loi Debré de 1959, contraint, comme nous d’ailleurs, d’accepter le financement public des établissements confessionnels. Mais les promouvoir est un véritable changement de doctrine, et ça réagit fort, depuis, dans la sphère laïque", affirme Christian Chevalier, du SE-UNSA, contacté par Le Monde.

Le gouvernement tente d’apaiser les tensions. Pour obtenir des éclaircissements, le Comité national d’action laïque, qui regroupe notamment le SE-UNSA, les parents d'élèves de la FCPE et la Ligue de l’enseignement, a écrit à Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS. A quelques jours des élections départementales, le gouvernement tente d'ores et déjà de désamorcer le conflit en parlant d'une “maladresse de langage”. Il vient également de reporter in extremis le débat prévu le 12 mars à l'Assemblée sur le port du voile dans les crèches privées.

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