Grand froid : "forcer les sans-abri à aller dans des centres d’accueil est illusoire"

© GERARD JULIEN / AFP
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J.R. , modifié à
Philippe Toulouse, éducateur spécialisé depuis 20 ans, estime que la solution pour protéger les SDF passe par des maraudes régulières, à l’année.

Le bourgmestre d’une ville belge a décidé d’autoriser les policiers à emmener de force les sans-abri pour les protéger du froid. Cette mesure, inédite, pourrait-elle servir d’exemple à des municipalités françaises ? Pour Philippe Toulouse, éducateur spécialisé depuis 20 ans, la réponse est clairement négative, alors que des températures glaciales sévissent sur toute la France.

"C’est bien mal connaître la réalité des sans-abri. C’est un coup d’épée dans l’eau. Forcer les personnes à aller dans des centres d’accueil est illusoire", a estimé le fondateur de la maison-relais Dany Boon à Dunkerque, mardi sur Europe 1.

"Il faut établir des rapports de confiance avec eux". Philippe Toulouse préconise d’instituer des maraudes régulières, à l’année, afin de mieux connaître les SDF. Pour lui, les sans-abri n’accepteront de se rendre en hébergement d’urgence que si un lien de confiance est établi avec eux au préalable.

"Ceux qui refusent d’être hébergés sont des personnes très désocialisés, pour qui la rue est le seul lieu d’existence. Ce qui est important, c’est d’établir toute l’année des maraudes régulières pour établir des rapports de confiance avec eux et les sensibiliser aux accueils d’urgence", a assuré l’éducateur spécialisé.

"La rue tue à l’année." Philippe Toulouse a expliqué les réticences des sans-abri par un fort sentiment d’insécurité. "Quand les sans-abri acceptent ces hébergements, souvent ils considèrent qu’ils y sont en insécurité. Quand on est dans son squat, on vit sous "son toit" entre guillemets, avec son propre rythme de vie. En hébergement d’urgence, il y a le problème de la promiscuité, ou encore des règles qu’ils ne peuvent pas accepter après avoir vécus aussi longtemps dans la rue", a poursuivi l’éducateur.

"Il faut sortir de l’urgence dans la relation. Les gens à la rue vivent la rue toute l’année, et parfois bien pire que pendant les périodes de grand froid. Avoir une vision des sans abri en regardant un baromètre est une erreur. J’ai vu plus de personnes mourir en dehors de l’hiver, car il y a moins de moyens à ces moments-là. La rue tue à l’année", a conclu Philippe Toulouse.