Faute d'argent, certains agriculteurs laissent mourir leurs bêtes

Même si la pratique est taboue, elle est de plus en plus répandue dans le monde de l'élevage.
Même si la pratique est taboue, elle est de plus en plus répandue dans le monde de l'élevage. © DENIS CHARLET / AFP
  • Copié
François Coulon et T.M.
TEMOIGNAGE - Pour éviter le dépôt de bilan, de plus en plus d'agriculteurs laissent mourir leurs jeunes bêtes malades, dans le plus grand désespoir.
ENQUÊTE EUROPE 1

Serge a douze ans de métier, un troupeau de 90 vaches laitières et 250.000 euros de dette. Avec le cours du lait qui s'effondre, il se dit quasiment sur la paille. Alors, depuis quelques mois, quand un veau tombe malade, il n'appelle plus le vétérinaire. "A partir du moment où on a une naissance et qu'on sait qu'il va nous coûter de l'argent, on n'a plus le choix. On leur fait des piqures en surdosage et le cœur ne tient pas. On ne se pose plus de question aujourd'hui."

Tabou. Cette réalité, totalement taboue dans le milieu de l'élevage, l'éleveur bovin la vit très mal. "On pique et on se sauve. On ne regarde pas, on s'en cache. On n'est pas éleveur pour tuer des animaux, c'est une honte. On fait l'inverse de notre métier. Quand je me suis installé, je voulais être éleveur, pas tueur d'animaux. Mais on est obligé pour essayer de sauver notre peau à nous", confie-t-il au micro d'Europe 1.

"Comme si on laissait mourir nos enfants". La méthode radicale permet d'économiser 100 à 200 euros par bête. A 100 kilomètres de là, Julien, 32 ans, élimine systématiquement les veaux mâles. "On les laisse mourir. C'est ça qui est triste. C'est comme si demain, on laissait mourir nos enfants. Notre métier, c'est une passion. En être rendus à tuer des veaux mâles parce qu'on sait qu'on va perdre de l'argent avec, c'est dramatique." La pratique pourrait lui coûter cher, mais il assure ne plus avoir le choix. "Si je suis découvert, je peux fermer mon exploitation", concède-t-il.