"Gilets jaunes" : après un troisième samedi noir, l'exécutif, dans la tourmente, cherche une réponse

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avec AFP , modifié à
Au lendemain des violents affrontements qui ont frappé le pays, la situation n'est pas encore revenue au calme partout en France. Le bilan s'est alourdi dans la nuit avec la mort d'un automobile à un barrage près d'Arles.

412 interpellations, 372 gardes à vue, 133 blessés dont 23 membres des forces de l'ordre rien qu'à Paris. Le bilan humain des violences de samedi (bilan réactualisé dimanche à 9 heures), en marge de la mobilisation des "gilets jaunes" est effrayant. Le préfet de police a évoqué dimanche des violences "d'une gravité sans précédent".

Dimanche, en fin d'après midi, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé que les deux tiers des 372 des personnes placées en garde à vue suite aux violences commises à Paris seront déférées devant la justice.  Cette troisième journée de mobilisation a aussi été marquée par la mort, dans la nuit de samedi à dimanche, d'un automobiliste près d'un barrage tenu par des "gilets jaunes" aux abords d'Arles, dans les Bouches-du-Rhône. 

Les principales informations à retenir

  • Un automobiliste est mort dimanche dans un accident de la route, près d'un barrage de "gilets jaunes"
  • Un péage a été incendié "par des casseurs" dimanche à Narbonne
  • Emmanuel Macron s'est rendu à l'Arc de Triomphe, théâtre de violences samedi, avant une réunion de crise
  • Edouard Philippe recevra des chefs de parti et des représentants dès lundi
  • Les syndicats de police demandent l'état d'urgence, le gouvernement ne ferme pas la porte

Critiqué, Emmanuel Macron réagit, discrètement 

Emmanuel Macron est allé constater les dégâts dimanche à Paris au lendemain des scènes de guérilla urbaine avant de demander, confronté à une crise politique majeure, à son Premier ministre de recevoir les chefs de partis politiques et une délégation des "gilets jaunes" à partir de lundi. Tout juste revenu du sommet du G20 à Buenos Aires, le chef de l'État a présidé une réunion de crise à l'Élysée avec le Premier ministre Édouard Philippe, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'État Laurent Nuñez ainsi que le ministre de la Transition écologique François de Rugy.

Une partie de l'opposition et des "gilets jaunes" attendait un geste fort, par exemple un gel des hausses des taxes sur les carburants, après les graves violences qui ont fait la veille 263 blessés en France, dont 133 rien qu'à Paris. En guise de réponse, le président, qui ne s'est pas exprimé publiquement, a demandé au Premier ministre de recevoir les chefs de partis représentés au Parlement et des représentants des "gilets jaunes".

"Enfin, il était temps", a réagi le nouveau patron du Parti communiste, Fabien Roussel. "Je me félicite que le gouvernement commence à prendre la mesure de ce qui se passe dans le pays", a ajouté le patron du PS, Olivier Faure. Ces rencontres débuteront lundi, a précisé Matignon à l'AFP. Outre les chefs de partis, sera reçu "le collectif des gilets jaunes qui a exprimé sa volonté de nouer un dialogue avec le gouvernement" dans une tribune publiée par le Journal du dimanche, ainsi que la maire (PS) de Paris Anne Hidalgo.

À défaut de s'exprimer en public, le président a envoyé plusieurs membres du gouvernement occuper le terrain. L'occasion notamment pour le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux de répéter qu'il n'y aura pas de changement de cap, "parce que le cap est le bon". Avant de retrouver l'Élysée, le président s'était d'abord rendu à l'Arc de Triomphe, théâtre de violences et de dégradations. Il s'est rendu au pied de la tombe du soldat inconnu, avant d'entrer à l'intérieur du monument, tagué et en partie saccagé. Il a ensuite rendu hommage aux forces de l'ordre et rencontré des commerçants sur l'avenue Kléber, vandalisée la veille. Parfois applaudi, il a aussi essuyé des huées de "gilets jaunes". Le président "a été choqué des dégradations", a indiqué l'Elysée.

Un bilan "d'une gravité sans précédent"

Le préfet de police Michel Delpuech a fait état d'actes "d'une gravité sans précédent" et d'une "violence extrême et inédite" contre les forces de l'ordre avec "des jets de marteaux", de "billes en acier" ou de "gros boulons".

Au total, 412 personnes ont été interpellées et 378 placées en garde à vue à Paris, selon la préfecture de police. "Les deux tiers environ" seront déférées devant la justice, a indiqué la ministre de la justice Nicole Belloubet qui a promis "une réponse pénale tout à fait ferme". La maire de Paris Anne Hidalgo a indiqué que le coût des dégradations surprendra "tant elles sont immenses". Selon le préfet de police, "249 feux" ont été recensés par les pompiers, visant "112 véhicules, 130 mobiliers urbains" et "six bâtiments". Il a accusé "des groupuscules d'extrémistes d'ultra-droite et d'ultra-gauche" mais aussi "un très grand nombre de manifestants portant un gilet jaune" et qui n'ont pas hésité par "désinhibition" ou un effet d'"entrainement", "à se livrer eux aussi à des violences injustifiables".

Des incidents ont également eu lieu en province en marge d'une mobilisation qui a rassemblé samedi 136.000 manifestants en France selon l'Intérieur, contre 166.000 le 24 novembre.  A Toulouse, 57 personnes, dont 48 policiers, ont été blessées samedi. À Arles (Bouches-du-Rhône), un automobiliste est décédé dans la nuit après avoir percuté un poids lourd à l'arrêt en raison d'un bouchon provoqué par un barrage des "gilets jaunes. Il s'agit du troisième décès accidentel depuis le début du mouvement.

Que va-t-il se passer maintenant ?

"Le gouvernement n'a pas le droit à un troisième samedi noir", a mis en garde le président du Sénat Gérard Larcher, alors que plusieurs appels ont été lancés sur Facebook pour manifester à nouveau samedi prochain à Paris. La première réponse de l'exécutif a d'abord été celle de la fermeté. Emmanuel Macron a souhaité que Christophe Castaner "mène une réflexion sur la nécessité éventuelle d'une adaptation du dispositif du maintien de l'ordre dans les jours à venir" face à "des casseurs plus violents, plus mobiles, plus organisés". Mais l'éventualité d'instaurer l'état d'urgence n'a pas été évoquée, a ajouté la présidence.

L'opposition a sommé le chef de l'État de réagir face à une situation souvent décrite comme "insurrectionnelle". À droite, le président des Républicains Laurent Wauquiez a réitéré son appel à un référendum sur la politique écologique et fiscale d'Emmanuel Macron. Marine Le Pen (RN) et Jean-Luc Mélenchon (LFI) ont plaidé de concert dimanche pour une dissolution de l'Assemblée nationale. À gauche, Olivier Faure a réclamé des États généraux sur le pouvoir d'achat. Le mouvement Génération-s a réclamé la démission de M. Castaner.