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A.D , modifié à
L'école française est devenue maîtresse en matière d'inégalités sociales. Nathalie Mons, présidente du Cnesco, pointe deux défauts majeurs : des ZEP inefficaces et l'absence de formation continue des profs.
INTERVIEW

L'école est censée réduire les inégalités entre élèves. Mais d'après le travail de 22 équipes de chercheurs (français ou étrangers, économistes, sociologues) qui se sont penchés sur l'école française, le constat est accablant : au lieu de réduire les inégalités, elle les aggrave. Nathalie Mons, professeure de sociologie à l'université de Cergy-Pontoise, a dressé ce tableau en tant que présidente du Cnesco (Conseil national d’évaluation du système scolaire). Elle était invitée à témoigner au micro d'Europe 1.

Un gouffre entre 2000 et 2016. Nathalie Mons livre un constat sans appel : "Aujourd'hui, les résultats en termes de justice sociale de l'école française ne sont pas au niveau." "Quand on regarde les données de l'enquête du programme international pour le suivi des acquis de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui teste les compétences des élèves de 15 ans en 2012, la France est devenue le pays le plus inégalitaire de l'OCDE." La tendance n'allait pas en ce sens au début des années 2000 "où nous étions globalement dans la moyenne".

Cours raccourcis, profs débutants. Pour comprendre ce basculement, il faut alors s'interroger sur l'efficacité des ZEP, zones d'éducation prioritaires, mises en place au début des années 1980. "La situation est paradoxale. La politique d'éducation prioritaire visait à développer une discrimination positive. L'idée était de donner plus de qualité dans l'éducation aux élèves qui ont moins à la maison. En 2016, on se retrouve avec une éducation prioritaire qui ne fait pas de la discrimination positive, mais au contraire, qui fait de la discrimination négative", analyse-t-elle, avant de préciser :" Très concrètement, on a des cours dont le temps est raccourci, ne serait-ce qu'à cause de problèmes de discipline, avec des enseignants moins expérimentés parce qu'ils sont débutants. On a du coup des méthodes pédagogiques qui sont moins complexes, moins efficaces pour développer des compétences avancées, pour apprendre à apprendre. Et on a surtout des établissements qui sont beaucoup plus ségrégués."

"A la marge des heures de cours". Le rapport fait aussi état de pays très mal notés par le passé, comme les Etats-Unis et la Suisse, qui ont réussi à corriger leurs erreurs. Nathalie Mons donne l'exemple de l'Allemagne "qui a davantage construit un collège unique, qui a rallongé ses heures de cours, qui a amélioré la formation continue des enseignants." En France, "on a tout le temps des relances de notre collège unique, ajoute la spécialiste, avec à chaque relance, et c'est le cas de la rentrée en 2016, un dispositif particulier de suivi plus individualisé des élèves. Et on a toujours le même défaut : on travaille à la marge des heures de cours des élèves, alors que les autres pays qui réussissent (des pays scandinaves, asiatiques notamment) ont changé ces quinze dernières années la façon de faire cours dans tous les cours". Nathalie Mons souligne que la France est d'ailleurs un des seuls pays d'Europe à ne pas avoir de formation continue pour ses professeurs, ce qui est d'ailleurs une de leurs revendications.