"Empoisonneuse" de Chambéry : l'effroyable récit des proches des victimes

Les familles des victimes de Ludivine Chambet ont témoigné à son procès, cette semaine.
Les familles des victimes de Ludivine Chambet ont témoigné à son procès, cette semaine. © AFP
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M.L avec AFP
Enfants et petits-enfants des 13 victimes de Ludivine Chambet ont ému la cour d'assises de la Savoie en décrivant des retraités loin d'être "tristes", comme le prétend l'accusée.

"Elle aimait aller s'amuser avec ses copines", raconte Patrick à propos de sa grand-mère, Anne-Marie. Il habitait à côté d'elle avant qu'elle n'entre à la maison de retraite. "Un jour, elle est revenue d'Aix-les-Bains avec une copine, à 4h30 du matin, en stop. Elle m'a dit 'tu le diras pas à ta mère, hein ?'", se souvient-il. Dans la salle d'audience des assises de la Savoie, on entend quelques rires. "On était très complices dans nos bêtises, je dirais même 'ses' bêtises, parce que j'étais beaucoup plus sage qu'elle." Patrick parle au passé. Le 16 novembre 2013, Anne-Marie, 88 ans, est morte après avoir reçu un cocktail de neuroleptiques et d'antidépresseurs, comme douze autres pensionnaires de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Le Césalet, en Savoie.

"Mon père, c'était un peu un Phoenix". Dans le box des accusés, Ludivine Chambet, ancienne aide-soignante de 34 ans, est soupçonnée d'avoir administré le mélange fatal. Elle reconnaît les faits pour onze des treize patients - dix sont décédés -, et argue qu'elle les sentait "tristes". "Je voulais être reconnue comme la personne qui les a soulagées", a-t-elle expliqué à la cour au début de son procès. Une version qui ne tient pas pour les experts psychiatres, convaincus que le choix de ses victimes était "le fait du hasard, de la porte chambre devant laquelle" la jeune femme, dépressive et traumatisée par la maladie de sa propre mère, se trouvait.

Mercredi et jeudi, les témoignages des proches des victimes ont semblé confirmer cette hypothèse, permettant à la cour d'imaginer des personnes âgées dynamiques, qui n'étaient pas en fin de vie et n'avaient nullement besoin d'être "soulagées".  Avant Patrick, Marie, fille de George, avait raconté les deux accidents auxquels son père, également mort empoisonné en 2013, avait survécu. Ce dernier "était déjà passé à travers un balcon" puis "avait été grièvement brûlé", mais s'en était toujours remis. "Mon père, c'était un peu un Phoenix. Ça ne lui aurait pas déplu d'être centenaire."

"C'est Lourdes dans cette chambre !" Certains proches se souviennent aussi des premiers signes d'empoisonnement, qui ont rendu quelques-uns des pensionnaires malades avant de les tuer. Frédérique, la mère d'Alice, est tombée huit fois dans le coma à cause des mélanges administrés par l'aide-soignante. "J'ai croisé Ludivine Chambet dans les couloirs de la maison de retraite après le septième", raconte sa fille. "Elle était agacée (par cette résistance miraculeuse, NDLR), et m'a dit : 'C'est Lourdes dans cette chambre !'"

Une attitude perçue comme cruelle par les familles, mais qui semble laisser l'accusée de marbre. Le fils d'une pensionnaire se rappelle s'être rendu à la maison de retraite le soir du premier malaise de sa mère. "Quand on a quitté l'établissement ce soir-là, Ludivine Chambet nous a rattrapés sur le parking pour nous demander comment l'habiller si elle mourait dans la nuit. Alors qu'elle venait de l'empoisonner !" Interrogée, la principale intéressée confirme avoir posé cette question. "Alors que vous leur aviez donné le cocktail", poursuit le président. "Malheureusement, oui."