Des policiers classés en fonction des PV distribués

© PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Emmanuel Renard et S.B. , modifié à
Un document officiel révélé par "Auto Plus" prouve que la politique des quotas de PV existe bel et bien, avec classement des meilleures unités et prime à la clé. 

Les unités de CRS et de motards, chargées d'assurer la sécurité sur les routes de France, seraient classées en fonction du nombre de PV délivrés. C'est ce que révèle vendredi matin une enquête édifiante du journal Auto Plus, qui s'appuie sur un document émanant du "sommet de la police nationale". Les fonctionnaires les plus zélés recevraient même une prime annuelle pour récompenser leurs bons résultats. Et ces primes pourraient aller jusqu'à 600 euros.

Jusqu'à 600 euros de bonus par policier. Le document révèle un barème très précis de points, attribués aux fonctionnaires de police en fonction du nombre de contraventions qu'ils ont distribuées au cours des douze derniers mois. Le classement concerne neuf compagnies autoroutières CRS et 22 unités de motards. Quelques exemples : les unités de Pau, Reims ou encore le Mans franchissent toutes la barre des 100 points quand Montpellier ou Nice arrivent en dessous de 50. Ces points sont visiblement convertis en primes de motivation. Résultat, à la fin de l'année, certaines compagnies obtiendraient jusqu'à 600 euros de bonus par policier. 

Un système "malsain". Ce qui frappe, c'est que cette information vient contredire le discours officiel. Jusqu'à présent, à chaque fois qu'Auto Plus avait présenté un document au ministère de l'Intérieur, celui-ci renvoyait au caractère sans doute zélé d'un petit chef local. Mais l'enquête du journal prouve qu'une politique des quotas de PV serait bien imposée aux forces de l'ordre, avec classement des meilleures unités et prime à la clé.

"C'est un document officiel qui confirme que les agents ont une prime parce qu'ils distribuent des prunes", assure le journaliste Pascal Pennec, qui a réalisé l'enquête pour Auto Plus. "Et le pire, c'est qu'il y a une espèce de course à l'échalote puisque ce ne sont que les deux meilleures brigades autoroutières et les deux meilleures unités de motards qui touchent cette prime en fonction des résultats". Cette politique du chiffre implique de fait une pression sur le terrain. Le journaliste dénonce ainsi un système "malsain sur le principe", pointant du doigt "la différence de traitements" entre les villes. Citant l'exemple de Nice et de Pau,  "clairement, l'automobiliste n'a pas la même chance de se ramasser une prune", affirme-t-il.

Inégalité de traitements entre automobilistes. Le problème majeur, c'est aussi l'équité de traitement entre automobilistes. Sur autoroute, vous avez quatre fois plus de risques de vous faire verbaliser en Ile de France ou en Alsace qu'en Rhône Alpes, notamment. Autre exemple, l'enquête relève encore que "les fonctionnaires traquent bien plus les infractions graves à Saint-Quentin, en Picardie, qu’à Clermont-Ferrand, en Auvergne, où l’on privilégie la vitesse, contrairement à Nice, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, où l’on est plus porté sur les petites infractions."