"Coup de pub", "cirque" : les familles des victimes de Dutroux indignées par la lettre de son avocat

  • Copié
, modifié à
Dans un courrier, l'avocat Bruno Dayez invite les victimes de son client à entrer en contact avec lui dans une "démarche d'ouverture". Les parents des jeunes filles tuées y voient "un pamphlet dénué de sens" et demandent que "ce cirque s'arrête".

"Il n'y a que six lettres à envoyer, il aurait pu les personnaliser", s'agace Jean-Denis Lejeune dans un message publié sur Facebook. Comme les autres parents des victimes de Marc Dutroux, le père de la petite Julie a récemment reçu un courrier de Bruno Dayez, l'avocat du criminel belge. Le conseil entend "amorcer le débat" avec les familles des quatre jeunes filles violées et assassinées en 1995-96 ainsi que Sabine Dardenne et Laetitia Delhez, les deux adolescentes libérées après plusieurs mois de séquestration. Marc Dutroux, condamné en 2004 à la prison à perpétuité pour ces faits, purge sa vingt-troisième année de détention à la prison de Nivelles, près de Bruxelles. Bruno Dayez, qui espère obtenir la libération conditionnelle de son client d'ici à 2021, a expliqué cet été vouloir prendre contact avec les victimes en ce sens : l'attitude du condamné à leur égard est l'un des éléments examinés par le tribunal.

Dutroux "prêt à répondre", selon son avocat. "Madame, Mademoiselle, Monsieur", commence ladite lettre, publiée par Jean-Denis Lejeune sur le réseau social. "Il ne s'agit nullement de polémiquer, ni de raviver les plaies, mais d'essayer de contribuer, fût-ce dans une très modeste proportion, à les cicatriser", écrit Bruno Dayez. "Vingt-deux ans se sont écoulés depuis l'arrestation de Monsieur Dutroux et cependant, jusqu'à ce jour, en raison des caractéristiques de notre système de justice, chacun a dû rester emmuré dans sa douleur et son silence, toute forme de communication quelconque semblant inconcevable. (...) Monsieur Dutroux m'a assuré qu'il ne cherchera plus jamais à vous contacter d'initiative, mais qu'il est prêt à vous répondre si vous voulez l'interpeller."

"Que je sache, on ne s'est pas emmuré dans le silence, [au] contraire on n'a pas arrêté de poser des questions !", s'indigne Jean-Denis Lejeune dans son texte de réaction à ce courrier. "Mais jamais nous n'avons eu la même version. Chacun des inculpés avait sa propre version, et tellement différentes qu'on ne sait qui croire." Lors de son procès aux côtés de Michelle Martin, son ex-femme et complice, Marc Dutroux n'avait exprimé ni regret ni excuse, modifiant souvent son récit des faits. Depuis sa prison, le criminel a adressé au père de Julie un courrier de 44 pages, "dans lequel il se dédouane de tout". "Et maintenant, dans l'objectif de sa libération conditionnelle, l'avocat souhaite qu'on ne demeure pas dans une position de mutisme total. Il parle aussi de 'justice réparatrice'. Qu'y a-t-il à réparer ?" interroge Jean-Denis Lejeune. "Rien ne me rendra ma fille ! Non, monsieur Dayez, je ne rentrerai pas dans votre jeu malgré la pommade que vous laissez apparaître dans votre lettre. Il n'y a pas de place pour le dialogue avec votre client."

"Un coup de publicité majeur" pour le père d'une victime. Interrogés par les médias belges, plusieurs autres destinataires de la lettre ont exprimé leur écoeurement. "Comme on pouvait s'y attendre, il s'agit d'un coup de publicité majeur d'un avocat avec beaucoup de temps et peu de clients" a réagi auprès de la Libre Belgique Jean Lambrecks, le père d'Eefje, morte séquestrée dans la "cache" de Marc Dutroux. "C'est un pamphlet dénué de sens" a encore estimé le flamandophone, qui a reçu le courrier en français. "La lettre n'a même pas été traduite. Les coûts pour la traduction sont, pour ainsi dire, pour nous." Interrogé par le site 7sur7, Paul Marchal, le père d'An, une autre victime, demande simplement "que ce cirque s'arrête". "On ne joue plus", souffle-t-il. Rencontré par France 3, Gino Russo, le père de Mélissa, n'a lui pas encore reçu la lettre mais n'entend pas se "faire violence" en la lisant : "je n'aurai pas la force de pardonner la manière dont ma fille a été séquestrée, violée puis est morte. Je laisse ça à Dieu."