Ce que réclame le personnel hospitalier en grève

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avec AFP , modifié à
"Étranglement budgétaire", manque de personnel, augmentation de l'activité… Le personnel hospitalier est appelé à la grève mardi. 

"On n'est pas des machines, on est des êtres humains": les infirmiers, les aides-soignants et autres personnels hospitaliers sont appelés à se mobiliser mardi, contre la dégradation de leurs conditions de travail et la rigueur budgétaire affectant la santé. Grève nationale, rassemblements partout en France... Les fédérations FO, CGT, SUD et CFTC de la fonction publique hospitalière, mais aussi, fait rare, une vingtaine d'organisations infirmières salariées, libérales ou étudiantes, ont choisi la même date. Que réclament-ils exactement ? Décryptage.

DES REVENDICATIONS ÉPARSES

"Étranglement budgétaire", manque de personnel, augmentation de l'activité, cadences infernales, changements perpétuels de missions, multiplication des tâches administratives… Les griefs sont nombreux et partagés par tous les manifestants, qui demandent davantage de moyens et d'effectifs pour alléger la charge des travailleurs hospitaliers. Mais l'intersyndicale FO-CGT-SUD et le mouvement unitaire infirmier ont aussi chacun leurs revendications propres.

L'abandon du plan d'économie pour l'intersyndical. L'intersyndicale FO-CGT-SUD continue ainsi de réclamer l'"abandon" du plan d'économies de "3,5 milliards d'euros" sur trois ans d'ici à 2017, "l'arrêt des fermetures de lits" ou encore l'"abrogation de la loi santé" et de ses groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui font craindre des restructurations.

Les infirmiers veulent être valorisés. De leur côté, les 17 organisations infirmières souhaitent mettre en avant leur profession, exercée par plus de 600.000 personnes en France et pourtant "méprisée" par les pouvoirs publics, selon le collectif. Valorisation des salaires en adéquation avec les compétences ou la pénibilité du travail, inclusion des infirmières dans les discussions sur le système de santé ou encore meilleurs droits sociaux pour les étudiants… Les doléances sont nombreuses.  "On attend des mesures urgentes pour garantir la qualité et la sécurité des soins", résume Nathalie Depoire, la présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI).

Avec "1,2 million de personnes âgées et malades chroniques" à leur charge, les infirmiers libéraux ont une place "légitime" dans l'organisation des soins, souligne également Philippe Tisserand, de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), prônant un statut d'"infirmière référente" sur le modèle du médecin traitant.

" J'ai 25 ans de métier et jamais je n'ai travaillé dans des conditions aussi misérables "

UN CONSTAT PARTAGÉ

"Une souffrance grandissante". "Il y a une montée en puissance du mécontentement qui traverse tous les types d'établissements et toutes les catégories de professionnels", assure Mireille Stivala, de la CGT. Cet été, les suicides de plusieurs soignants, dont au moins cinq infirmiers, ont mis en lumière une souffrance grandissante, affirment les syndicalistes, même si ces drames sont toujours "multifactoriels". "On voit une recrudescence des tentatives de suicide, de burn-out" dans les établissements, s'inquiète Denis Basset (FO).

"L'absentéisme monte parce qu'on a épuisé les équipes, on rappelle les personnels sur leur temps de repos, les départs en retraite ne sont pas remplacés", déplore quant à elle la présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI) Nathalie Depoire. Pour pallier ces manques, mieux vaut être polyvalent : "vous êtes infirmier en chirurgie depuis 15 ans et un matin vous vous retrouvez parachuté en cardiologie ou en diabétologie", explicite Nathalie Depoire, évoquant la "souffrance" de personnels "qui se trouvent 'nuls' parce qu'ils n'arrivent pas à répondre aux questions des patients".

"La fatigue qui s'accumule". Sur les réseaux sociaux, également, plusieurs infirmiers anonymes témoignent de leur désarroi du moment. "On nous demande de faire preuve d'empathie (avec toujours moins de moyens tant matériels qu'humains) et, en retour, nous sommes traités avec la pire des cruautés !", se désole Patrick sur la page Facebook d'Infirmier.com. "J'ai 25 ans de métier et jamais je n'ai travaillé dans des conditions aussi misérables et dangereuses, tant pour le patient que pour le soignant", renchérit Valérie.

"Avant je rentrais le cœur gros de toutes les tristes histoires que je pouvais voir à l'hôpital. Désormais je dois ajouter à cela la fatigue qui s'accumule car la situation ne cesse de s'empirer, la peur de faire une erreur et d'être renvoyé en formation par ma hiérarchie, la colère de voir que cela n'intéresse personne", témoigne encore Bruno, sur la page Facebook "Tu sais que tu es infirmier quand".

QUE PRÉVOIT LA MINISTRE ?

Interrogée sur RTL, Marisol Touraine a redit lundi soir qu'elle présenterait "d'ici la fin du mois ou au début du mois de décembre au plus tard (...) une stratégie pour améliorer les conditions de travail, pour entendre la souffrance ou le mal-être lorsqu'ils sont là" chez les soignants. Et la ministre de rappeler que "depuis 2012, l'hôpital c'est 10 milliards d'euros d'investissement de plus" et la création de 31.000 postes.

Reste que les réformes de ces quinze dernières années, comme l'instauration de la tarification à l'activité pour financer les hôpitaux "à l'acte" (plus ils font d'actes de soins, plus ils reçoivent d'argent de la "Sécu"), ont déstabilisé les personnels, principale variable d'ajustement en période de restrictions budgétaires.