Caroline De Haas : "A chaque fois que vous prenez la parole pour banaliser les violences, vous laissez plus de place aux agresseurs"

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A.D.
Opposée à l'auteure Abnousse Shalmani, qui a signé la tribune "Des femmes libèrent une autre parole", la militante féministe a réaffirmé à quel point selon elle les violences étaient encore trop banalisées.

En réponse à la tribune du Monde intitulée "Des femmes libèrent une autre parole" dans laquelle plusieurs personnalités, dont Catherine Deneuve, dénoncent un puritanisme dans la libération de la parole féminine après le scandale Weinstein, la militante féministe Caroline De Haas est montée au créneau sur Europe 1 face à Abnousse Shalmani. Elle a fait valoir le point de vue qu'elle a exprimé dans une contre-tribune publiée mercredi et intitulée "Les porcs et leurs allié.e.s ont raison de s’inquiéter". Elle estime que  la tribune du Monde banalise le harcèlement, et range d'une certaine manière, au vu du titre, ses auteurs au côté des harceleurs.

"Idées reçues". "À chaque fois que vous prenez la parole pour banaliser des violences (…), vous laissez plus de place aux agresseurs et moins de place aux victimes. Dans cette tribune, on retrouve toutes les idées reçues qu'on se coltine tous les jours", soutient la militante, qui cite quelques exemples, "la "blague" de Tex sur les femmes battues qui n'est donc pas une blague", ces "stéréotypes qu'on retrouve à la machine à café, au bureau ou dans les repas de familles". "Vous avez cet oncle un peu gênant qui vous dit 'Mais on ne peut plus rien dire'. Le fait qu'on ne puisse 'plus rien dire" ou dire moins de choses qu'avant, pour moi, c'est une bonne nouvelle", tranche-t-elle.

Entendu sur europe1 :
Le fait qu'on ne puisse 'plus rien dire' ou dire moins de choses qu'avant, pour moi, c'est une bonne nouvelle

"Les hommes comprennent très bien". Selon elle, ce qui distingue la drague du harcèlement n'est pas une question de degré mais de nature : elle rejette la gradation drague, drague lourde, harcèlement. "Je m'inscris totalement en faux avec cette idée que vous défendez dans la tribune", dit-elle à son adversaire. "Je pense que l'on n'est pas dans une histoire de degré. Ce n'est pas une question de limite mais de nature. Soit vous êtes dans une relation entre adultes consentants et vous vous rendez compte à peu près en un quart de seconde si l'autre a envie de coucher avec vous, de vous toucher ou pas, soit vous êtes dans une relation de domination et une fois que vous vous êtes rendu compte qu'il n'avait pas envie, vous continuez. Et ça, ça s'appelle du harcèlement." Selon elle, ce n'est pas une incompréhension des hommes : "Ils comprennent très bien. Comment expliquer alors que les femmes comprennent très bien et que les hommes ne comprennent pas ?"

"La société tolère ça". Et la militante féministe de préciser que le harcèlement vient de la répétition : "Vous pouvez vous tromper. Ça arrive de draguer quelqu’un et que ça ne marche pas. Mais à partir du moment où je me rends compte que l'autre n'a pas envie, et je m'en rends compte tout de suite, j'arrête." Elle rappelle aussi les agressions régulières subies par les femmes, dans la rue, dans le métro. "C'est quotidien. Notre société tolère ça. Ce qu'on dit dans notre tribune, c'est que nous sommes debout, nous sommes fortes et fières et que nous allons en finir avec ces violences." "Mais nous ne sommes pas en sucre", souligne Abnousse Shalmani, "nous pouvons répondre". Ce à quoi Caroline De Haas conclut, en ouvrant encore un peu plus le débat : "Mais pourquoi ce serait à nous de porter la responsabilité de la réponse ?"