Aux assises, Pascal Jardin ne cesse de nier l'évidence

Christelle Blétry a été tuée à Blanzy, en Saône-et-Loire, en 1996.
Christelle Blétry a été tuée à Blanzy, en Saône-et-Loire, en 1996. © CORR / AFP
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M.L
Accusé du meurtre de l'une des "disparues de l'A6", le quinquagénaire, confondu par des traces ADN, a clamé son innocence pendant deux semaines. Son procès s'achève jeudi.

"Je n'ai pas tué Christelle Blétry." Dès le premier jour de son procès, le 23 janvier, Pascal Jardin a donné le ton. Depuis, les formulations ont varié : "je n'ai rien à voir avec ce crime", ou "je ne suis pas l'assassin".  Mais une constante demeure : malgré les traces ADN retrouvées sur les vêtements de la victime et la parfaite correspondance entre les aveux retirés du quinquagénaire et les circonstances du meurtre de la lycéenne de 20 ans, poignardée un soir de 1996, l'homme nie l'évidence.

123 coups de couteau et une "hémorragie massive". Christelle Blétry est l'une des "disparues de l'A6", du nom donné à une série de dossiers présentant des similitudes en Saône-et-Loire, dont beaucoup restent non élucidés. Son corps a été retrouvé le 28 décembre 1996, au bord d'une route de campagne de Blanzy, près de Montceau-les-Mimes. Au deuxième jour du procès, les médecins légistes sont formels : la victime a reçu 123 coups de couteau, à l'endroit même où elle a été découverte. Les coups ont été portés alors que Christelle était "debout ou assise", et la mort est survenue en "moins de trois minutes", après une hémorragie massive. "Ce qui est frappant pour moi, c'est la parfaite concordance entre les aveux de Monsieur Jardin et mes constatations", souffle, à la barre, le docteur Irène François-Purssel.

Car lorsqu'il a été interpellé, en 2004, Pascal Jardin a avoué le meurtre, avant de revenir sur ses propos. Pour confirmer la "concordance", la présidente lit le procès-verbal de l'interrogatoire : "Elle m'a demandé de la déposer chez elle, je ne l'ai pas écoutée et je suis partie me garer plus loin, au bord de la route. (...) Je l'ai frappée à l'endroit même où son corps a été découvert. Je me suis arrêté quand elle s'est effondrée sur le sol." Didier Seban, avocat de la famille de Christelle, s'emporte. "Vous nous dites que vous avez fait de faux aveux, que vous avez tout inventé, et vous avez pondu une histoire qui correspond exactement aux constatations médico-légales !"

"Une relation sexuelle consentie". Mais au fil des jours, Pascal Jardin demeure imperturbable. D'une voix posée, il raconte avoir eu "une relation sexuelle consentie" avec la victime avant qu'elle ne sorte de la voiture, et être reparti immédiatement après. "Ce soir-là, je n'ai même jamais réussi à savoir ni son nom, ni son prénom", dit-il. "On est à votre quatrième version !", assène Me Seban, pointant l'"incohérence" du propos : "vous croisez une jeune fille affolée, vous ne vous dites pas 'je vais la ramener chez elle' ?" "Non, ça ne m'est pas venu à l'idée", répond Pascal Jardin.

Pour expliquer sa connaissance de détails du dossier jamais communiqués à la presse, l'accusé évoque des photos, qui lui auraient été présentées par un officier de police judiciaire lors de sa garde à vue. Au troisième jour d'audience, l'OPJ dément formellement : "je ne fais jamais cela, vous êtes un menteur." Dans le box, le quinquagénaire ne bronche toujours pas.

"J'étais en pleine dépression". Deux jours plus tard, un nouveau témoignage accable Pascal Jardin. En 2004, l'homme a tenté d'agresser sexuellement une autre femme, se faisant passer pour un chauffagiste pour entrer dans son appartement. A la barre, Magali se souvient l'avoir vu entrer en slip dans sa salle de bains, avec un couteau. "Son regard m'a fait très peur, je me suis mise à hurler d'un coup", murmure la jeune femme. Son compagnon, assoupi dans une autre pièce, était venu à son secours, immobilisant Pascal Jardin jusqu'à l'arrivée de la police. "J'ai honte de ce que j'ai fait. J'étais en pleine dépression, plus rien n'allait, au niveau professionnel, dans mon couple", tente de se défendre le quinquagénaire.

Pour cette tentative d'agression, l'accusé a été condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis, et son ADN a été consigné au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), permettant de rouvrir le dossier Blétry, 18 ans après les faits. Devant la cour, le neveu de l'accusé et son épouse se souviennent d'un échange avec Pascal Jardin, après sa sortie de prison. Racontant sa garde à vue, l'homme leur a expliqué que "les policiers de Chalon l'avaient questionné sur l'affaire de Blanzy". Or, les procès-verbaux d'interrogatoire ne rendent pas compte de cet échange, souligne Me Seban.

Pour les avocats de la famille de Christelle, il n'y a là aucune coïncidence. "A qui voulez-vous faire croire votre version ?", interroge Corinne Herrmann, pénaliste spécialisée dans les "cold case". "Des aveux de cette précision, il n'y a que Michel Fourniret que j'ai déjà vu en faire", abonde Me Seban. Une vision partagée par l'avocat générale, qui requiert la réclusion à perpétuité. Le verdict est attendu dans la journée de jeudi.