Attentats du 13 novembre : les victimes face à des règles d'indemnisation "froides et strictes"

© MATTHIEU ALEXANDRE / AFP
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Alors que les familles des victimes des attentats du 13 novembre rencontrent mardi les juges chargés de l'enquête, l'indemnisation des dossiers avance, même si elle est parfois emprunte d'une certaine déshumanisation. 

"Ça ne fait que commencer et ça va être très compliqué". Alexis Lebrun est le porte-parole de l'association Life for Paris, qui regroupe 600 personnes directement touchées par les attentats du 13 novembre. Six mois après le drame et alors que les familles des victimes sont reçues pendant trois jours par les juges, l'indemnisation des dossiers se fait progressivement. Néanmoins, les associations de victimes mettent en cause une bureaucratie trop froide et parfois déconnectée de ce qu'a été l'horreur du 13 novembre.

Pour les victimes, il y a un organisme majeur et incontournable: le FGTI ou Fonds de Garantie des Victimes des actes de terrorisme. C'est cet organisme qui va les indemniser. Didi, lui, a déjà touché 10.000 euros comme la majorité des victimes lors du versement d'une première provision en décembre dernier. Cet agent de sécurité du Bataclan, dont le courage avait permis de sauver des dizaines de vie le soir de l'attentat, a intégralement été pris en charge par la société exploitant la salle de concert. Il a fait le choix de s'entourer d'un avocat et a dû fournir des papiers administratifs mais aussi des justificatifs de son traumatisme pour déposer un dossier au FGTI.

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Je ne me plains pas, il y a pire que moi

Aujourd'hui, Didi est toujours en arrêt de travail. Il n'a pas encore retrouvé son emploi au Bataclan, qui devrait rouvrir à la fin de l'année, et il avait aussi une société dans l'événementiel. "Heureusement, j'avais mis un pécule de côté mais c'est vrai qu'il y a une perte financière", avoue-t-il à Europe 1. Avec beaucoup de pudeur, il ne s'étend pas sur ses difficultés actuelles : "C'est vrai que c'est compliqué mais je ne me plains pas, il y a pire que moi".

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Lorsqu'on remplit le dossier, on nous demande qui est l'auteur de l'attentat et quelle est son adresse

Selon les associations de victimes des attentats du 13 novembre, certaines personnes ont des difficultés financières importantes. Mais ces associations reconnaissent aussi que dans l'ensemble, les choses se passent plutôt bien au niveau de la rapidité de l'indemnisation. Ce qu'elles dénoncent, c'est plutôt "le manque de transparence absolue du fonds de garantie" et ses "règles froides et strictes", dixit Emmanuel Domenach, vice-président de l'association "13 novembre : fraternité et vérité". "Pour vous donner un exemple, lorsqu'on remplit le dossier, on nous demande qui est l'auteur de l'attentat et quelle est son adresse". Son association, qui regroupe 500 adhérents, a même rédigé une note de 10 pages pour expliquer comment marche le fonds.

"On a des relations cordiales avec le fonds mais notre principale désaccord porte sur leur manière de procéder", complète Georges Salines, président de l'association, et père de Lola, décédée au Bataclan. "Les propositions d'indemnisation arrivent de manière trop standardisées. En plus, elles sont supposées être personnalisées mais on sait bien qu'il existe une grille tarifaire à laquelle on n'a pas accès".

Georges Salines formule un conseil aux victimes et familles des victimes pour l'indemnisation : prendre son temps, rester prudent. "Rien ne presse", dit-il. "Il faut au minimum discuter du montant lors de la proposition finale du FGTI", poursuit-il, avant de conclure : "On n'est pas sûr que chaque victime soit informée de ses droits". 

L'indemnisation des victimes du 13 novembre en chiffres. Contacté par Europe 1, le FGTI révèle que, mi-mai, 2.500 dossiers avaient été ouverts et 30 millions d'euros avaient déjà été versés. Mais, les victimes ont jusqu'à 10 ans pour présenter un dossier. En outre, l'estimation globale et finale de l'indemnisation tourne elle autour de 350 millions d'euros.