Affaire Jean-Luc Cayez : comment un criminel récidiviste a-t-il pu violer et tuer Audrey Jouannet ?

Une vue du tribunal lors du procès de Jean-Luc Cayez, en 2008. il écopera de la réclusion criminelle à perpétuité.
Une vue du tribunal lors du procès de Jean-Luc Cayez, en 2008. il écopera de la réclusion criminelle à perpétuité. © Raphael Michel / AFP
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Thibaud Le Meneec , modifié à
En mai 2008, Jean-Luc Cayez est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre d'Audrey Jouannet, trois ans après les faits. Une affaire sordide, racontée vendredi par Christophe Hondelatte, qui pose la question de la récidive chez les violeurs.

Que s'est-il passé dans la résidence Gerville de Soisy-sur-Seine, au sud de Paris, ce soir du 13 septembre 2005 ? C'est à ce fait divers tragique que Christophe Hondelatte a consacré son récit dans Hondelatte raconte, vendredi, sur Europe 1.

Sa voiture est là, mais les volets sont tirés. C'est dans cette résidence tranquille que vit Audrey Jouannet, une jolie blonde de 24 ans, au deuxième étage. Le logement appartient à sa mère, qui habite maintenant chez son nouveau compagnon à une centaine de kilomètres de cette petite ville de l'Essonne. Mais en ce jeudi 15 septembre 2005, ses amies se rendent compte qu'elles n'ont aucune nouvelle depuis deux jours. Elles l'appellent au téléphone, mais la jeune femme ne répond pas. Une des copines décide de passer voir. Elle sonne à l'interphone, rien. Elle fait le tour de l'immeuble et voit les rideaux tirés, au deuxième étage, tandis qu'elle aperçoit la 206 d'Audrey sur le parking.

 

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Les amies appellent Marie-Claude Vigot, la meilleure amie de la mère, qui habite aussi à Soisy. Elle va sur place, accompagnée de deux policiers municipaux. Vers 21 heures, ils sonnent chez le gardien pour qu'il leur ouvre. Marie-Claude sait que la voisine a un double des clés. Cette dernière leur tend une clé de voiture. Incompréhension. "C'est la clé que m'a donnée Madame Jouannet", répond la personne âgée.

Marie-Claude Vigot ne prévient toujours pas la mère d'Audrey. C'est le gardien qui l'appelle. La mère tente de joindre sa fille et se rend sur place. Elle, elle a un double de la clé. Audrey n'est pas là. Quant à l'appartement, il n'est pas vraiment en désordre, mais pas non plus très rangé. La table n'est pas débarrassée, en travers, les valises ne sont pas défaites, son ordinateur traîne sur le canapé… La mère appelle la banque : aucun retrait depuis trois jours.

Le pied qui accroche quelque chose sous le lit. Et si Audrey avait disparu ? La mère d'Audrey appelle son compagnon, en larmes, et lui demande de venir. En attendant sa fille, elle décide de mener sa petite enquête. Elle commence par fouiller l'appartement et tombe, dans la chambre d'Audrey, sur un répertoire des numéros de téléphone. La mère s'assoit sur le lit d'Audrey et elle se met à appeler des numéros au hasard. Là, son pied accroche quelque chose sous le lit.

Le soir, elle va se coucher et se souvient de ce petit événement. Elle retourne dans la chambre d'Audrey, elle se penche sous le lit et ne réalise pas : "Audrey, mais qu'est-ce que tu fais sous le lit ?" Elle comprend. Le corps de sa fille est là, nu. Elle a été étranglée et elle a des blessures sur son corps. Sur place, les techniciens en identification criminelle, les experts de la gendarmerie, notent qu'elle a aussi des ecchymoses aux chevilles et sur le visage. Ils font le tour de la pièce, trouvent un ticket de caisse tâché d'une goutte de sang et se mettent à chercher des traces ADN et notamment des poils et des cheveux. Ils n'en trouvent aucun. Aucune porte ou fenêtre n'a subi d'effractions.

Un gardien "tombé pour viol". Dans les jours qui suivent, les gendarmes reviennent plusieurs fois et à chaque fois, le gardien fait tout ce qu'il peut pour les aider. Et puis, un jour, il vient les voir l'air un peu emmerdé. Ce gardien, Jean-Luc Cayez, leur avoue, contraint, qu'il a déjà fait de la prison, "tombé pour viol". 

Les gendarmes passent le nom du concierge au fichier : il n'a pas menti. Il a bien été condamné pour viol dans les années 1980. À l'époque, les experts psychiatres l'ont diagnostiqué psychopathe et ont dit qu'il était dangereux. Verdict : sept ans de prison. Quand il sort au bout de cinq ans, il récidive en agressant des campeurs et écope de six mois de prison de plus. Il ressort et plonge de nouveau lorsqu'il viole une jeune femme de Lunel, dans l'Hérault, en juin 1990. Quand il est arrêté, il explique que que c'est la faute de la justice qui ne le soigne pas. Il écope de 20 ans de prison devant les assises de Montpellier. Que disent les psychiatres ? Jean-Luc Cayez "présente un énorme risque de récidive".

Une plainte un an et demi plus tôt. Il sort au bout de douze ans, en octobre 2002, sans aucun suivi. Il se fait embaucher quelques mois plus tard comme gardien à la résidence Gerville de Soisy-sur-Seine. En se plongeant sur son cas, les gendarmes découvrent qu'un an et demi auparavant, tout juste nommé gardien, une habitante a porté plainte contre lui après l'avoir trouvé chez elle, dans son salon, entré avec un jeu de clé dont elle ignorait l'existence. Dans sa plainte, elle dit qu'elle l'a perçu comme un prédateur sexuel. Les gendarmes n'ont pas donné suite mais là, Jean-Luc Cayez devient le principal suspect du meurtre d'Audrey Jouannet.

Les résultats de l'autopsie tombent : Audrey a bien été violée, avec des lésions vaginales et anales. Du sperme a été retrouvé, donc l'ADN du tueur est là. Les gendarmes placent immédiatement Jean-Luc Cayez en garde à vue. Arrivent les comparatifs ADN. Négatifs. La stupéfaction est générale. Faut-il le relâcher ? Les gendarmes se disent que c'est peut-être un viol collectif, avec plusieurs personnes, et que Jean-Luc Cayez a trouvé la victime, forcé sa porte et qu'un de ses copains l'a violée.

Le gardien leur assure qu'il n'a plus de libido et que c'est donc impossible qu'il ait violé "Audrey". Bizarrement, les gendarmes remarquent que ce n'est plus "Mademoiselle Jouannet" dans sa bouche. Il plonge la tête dans ses mains, la relève lentement, et dit : "C'est moi qui l'ai fait". Il raconte tout. Comment il a volé les clés à la voisine, qui leur a donc donné des clés de voiture à la place, comment il s'est équipé avec une cagoule, des gants et un fusil.

Cayez "joue" avec sa victime. Ce 13 octobre, Jean-Luc Cayez monte au deuxième étage de la résidence, s'approche de l'appartement d'Audrey Jouannet, ouvre la porte. Le crochet de sécurité est mis. En confiance, elle l'enlève. Aussitôt, il met un grand coup d'épaules dans la porte et ordonne à la victime de se déshabiller, le fusil à la main. Elle est obligée de lui pratiquer une fellation. Aux enquêteurs, il assure ne l'avoir tuée que le lendemain soir. Qu'a-t-il fait entre temps ? Il la garde une journée entière, prisonnière, dans sa loge. Séquestrée, bâillonnée, bourrée de somnifères, elle ne se rebelle pas. Il raconte aussi qu'il a "joué" avec elle : il lui rase les poils pubiens, il lui fait prendre une douche. Selon ses dires, il la détache, elle se promène tranquillement dans l'appartement, il lui fait des frites et ils regardent un film. En fin d'après-midi, il lui passe une corde autour du cou et serre, très fort.

Et le viol ? Il y a bien des lésions au niveau du sexe et de l'anus et puis il y a ce sperme, qui n'est pas le sien. C'est incompréhensible. Jean-Luc Cayez dit avoir utilisé… un concombre. Et le sperme ? Il raconte qu'il a trouvé un préservatif dans les poubelles de l'immeuble. Il en a défait le nœud, absorbé le sperme avec une seringue et mis le tout au congélateur. Quand il a tué Audrey, il ne lui restait qu'à en mettre dans la bouche et dans le vagin de sa victime. Il avoue s'être inspiré de la série NCIS. "J'ai rien inventé", dit-il. S'il n'avait pas eu de casier, il aurait commis le crime parfait et c'est un voisin qui aurait été inquiété à sa place.

Quatre sacs dans la Seine. Il emmènera ensuite les enquêteurs dans le conduit d'aération de sa loge où il avait placé un préservatif "d'avance". Il leur montrera aussi où est le fusil, qu'il a caché dans un appartement inoccupé de la résidence. Il les guidera enfin vers l'endroit de la Seine où il a jeté les quatre sacs poubelles qui contiennent pèle-mêle les draps, les vêtements d'Audrey, le ruban adhésif et le préservatif. Aux gendarmes, il déclarera avant son incarcération : "Heureusement que vous m'avez arrêté maintenant, parce que sinon j'aurais recommencé."