Bébé rom de Champlan : polémique après un enterrement refusé

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Louis Hausalter avec AFP , modifié à
POLÉMIQUE - Manuel Valls s'est indigné du refus d'un maire de l'Essonne d'enterrer un nourrisson de deux mois dans le cimetière de sa commune. Mais l'élu nie avoir pris une telle décision.

"Une injure à ce qu'est la France". Voilà comment Manuel Valls a qualifié la décision de la mairie de Champlan, dans l'Essonne, de refuser l'inhumation d'un bébé rom dans le cimetière de sa commune. Sauf que depuis, le maire de Champlan a nié avoir pris une telle décision, et dénoncé un "détournement" de ses propos. Dimanche soir, il a affirmé qu'il souhaitait "vivement" que l'inhumation ait lieu à Champlan. Europe 1 vous résume ce feuilleton qui agite la classe politique, alors que le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a annoncé sur notre antenne qu'il se saisissait du dossier.

• Acte 1 : une mairie refuse l'inhumation d'un bébé rom

L'affaire est partie d'une information révélée samedi par Le Parisien. La mairie de Champlan a refusé qu'un nourrisson rom de deux mois soit enterré dans le cimetière communal. Ce bébé, prénommé Maria Francesca, est décédé dans la nuit du 25 au 26 décembre de la mort subite du nourrisson, selon l'Association de solidarité en Essonne avec les familles roumaines et roms (ASEFRR). La famille rom concernée vit à l'entrée de Champlan, dans un campement de 80 personnes installées illégalement à proximité des pistes de l'aéroport d'Orly.

A la demande des parents, une entreprise de pompes funèbres de Corbeil-Essonnes avait contacté la mairie pour obtenir l'autorisation d'inhumer le bébé dans le cimetière de Champlan, mais la municipalité a refusé, sans donner "aucune explication", selon le gérant des pompes funèbres. Selon des propos rapportés par Le Parisien, le maire Christian Leclerc a fait valoir le "peu de places disponibles", ajoutant qu'il donnait la "priorité à ceux qui paient leurs impôts locaux".

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Acte 2 : des réactions indignées

Le refus de la municipalité n'est pas contraire au droit. Selon la loi, les proches d'un défunt doivent demander l'autorisation de l'inhumer au maire du la commune du cimetière choisi. Il peut être enterré dans la commune où il habitait, dans celle où il est décédé ou dans celle où se trouve le caveau familial. Dans les autres cas, les maires peuvent refuser une inhumation. L'affaire n'en a pas moins fait réagir une grande partie de la classe politique et les associations droit-de-l'hommistes. Le président de la Licra, Alain Jakubowicz, a jugé samedi qu'il s'agissait de "racisme", ajoutant qu'il envisageait des poursuites judiciaires.

toubon

Invitée d’Europe 1 dimanche matin, Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem, a jugé "injustifiable et inhumain" la décision de Christian Leclerc. Le co-président du groupe EELV à l'Assemblée nationale, François de Rugy, s'est lui aussi indigné, également sur Europe 1 : "je crois que l’on est tombé très très bas dans l’inhumanité". Le Défenseur des droits, Jacques Toubon (photo), s'est dit "bouleversé", dimanche sur France Inter, ajoutant qu'il allait "peut-être agir".

Acte 3 : le maire nie

Le maire de Champlan, Christian Leclerc, a réagi dimanche. "A aucune moment je ne me suis opposé à cette inhumation", a-t-il fait valoir auprès de l'AFP. "On avait le choix entre Corbeil et Champlan. J'ai dit OK mercredi matin pour l'un ou l'autre des scénarios", a-t-il expliqué, soulignant qu'il était alors en congés. L'édile invoque "une erreur de compréhension dans la chaîne de décision". "Je suis laminé par tout ce que j'ai entendu", a encore assuré Christian Leclerc, qui compte envoyer "un message de condoléances et de compassion à la famille".

Acte 4 : Manuel Valls condamne

Les explications du maire ne semblent pas avoir convaincu Manuel Valls. Le Premier ministre s'est fendu d'un tweet, dimanche, dans lequel il dénonce "une injure à ce qu'est la France".

Côté UMP, la députée de l'Essonne et numéro 2 du parti, Nathalie Kosciusko-Morizet, a elle aussi réagi dans la foulée, dénonçant une décision "injustifiable". "C'est aux antipodes des valeurs humanistes", écrit-elle.

Acte 5 : le Défenseur des droits se saisit du dossier

Invité dimanche soir sur Europe 1, le Défenseur des droits Jacques Toubon a annoncé qu'il avait décidé de se "saisir d'office" du dossier. Dès lundi matin, Jacques Toubon compte "lancer un certain nombre d'investigations et rechercher toutes les informations utiles auprès de toutes les personnes". "La méthode du Défenseur des droits, c'est le contradictoire, le refus d'avoir un préjugé en faveur des uns ou des autres, d'essayer de rechercher la vérité et ensuite de la qualifier, d'en tirer les conséquences, et de proposer telle ou telle sanction, par exemple un rappel à la loi", a-t-il ajouté.

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Acte 6 : "on rajoute de la douleur à notre deuil", déplore la mère du bébé

La mère du nourrisson décédé, qui a déjà perdu deux garçons en bas âge en Roumanie, a réagi dimanche dans Le Parisien. "La tristesse de perdre notre petite était déjà immense, là, on rajoute de la douleur à notre deuil", a-t-elle déclaré, selon des propos traduits par une interprète. "On ne demande rien pour nous, on ne demande même pas à la mairie de nous accepter. On veut seulement faire enterrer notre petite fille qui va monter au ciel".

Acte 7 : le maire souhaite une inhumation à Champlan

Maria Francesca devait finalement être inhumée lundi à Wissous, ville voisine de l'Essonne. Mais dans un communiqué envoyé dimanche soir, le maire de Champlan, Christian Leclerc, affirme qu'il souhaite "vivement" que l'enterrement ait lieu "dans la commune de Champlan, ville où elle réside". L'élu "déplore" une "erreur administrative" ainsi que des "incompréhensions qui ont suivies", et s'excuse "très sincèrement" auprès de la famille. "Je n'ai jamais refusé l'inhumation de l'enfant dans notre cimetière mais en ma qualité de Maire je porte l'entière responsabilité des dysfonctionnements manifestes qui ont pu être commis", ajoute-t-il, tout en dénonçant "l'instrumentalisation politique de la tragédie traversée par cette famille".

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