Un médecin jugé pour avoir défié la Sécu

Le docteur Didier Poupardin fait de son combat une affaire de principe.
Le docteur Didier Poupardin fait de son combat une affaire de principe. © MAXPPP
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Alcyone Wemaere, avec Raphaële Schapira , modifié à
Le docteur Poupardin est jugé mercredi pour avoir délibérément "mal rempli" certaines ordonnances.

Il se présente comme le "médecin des indigents", la Sécurité sociale le voit surtout comme un praticien rétif. Le docteur Didier Poupardin, 64 ans, a eu rendez-vous avec la justice mercredi devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Créteil.

>> Mise à jour 16h40 : le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a mis sa décision en délibéré au 24 octobre.

Désormais à la retraite, ce généraliste à grande barbe blanche et petites lunettes rondes est poursuivi par la Sécurité sociale pour avoir volontairement "mal rempli" certaines ordonnances afin de faire systématiquement bénéficier ses patients en longue maladie de remboursements à 100%. La caisse primaire d'assurance maladie de Créteil lui reproche d'avoir ainsi délivré des ordonnances non conformes à 51 patients entre avril 2007 et mars 2008. Elle évalue son préjudice à 2.612 euros et lui demande de rembourser avec, en sus, une pénalité de 4.000 euros.

"Nous soignons des gens, pas des objets"

"J'ai fait mon travail de médecin", se défend le docteur au micro d'Europe 1 en dénonçant "l'acharnement" de la Sécu.

Au coeur du conflit : les ordonnances dites "bizone", réservées aux patients malades du cancer, du sida ou encore de la sclérose en plaques...  En pareil cas, sont inscrits en haut de l'ordonnance les médicaments concernant leurs affections de longue durée et, en bas, d'éventuels autres remèdes pour traiter d'autres affections et qui ne seront remboursés qu'au taux auquel sont soumis les autres assurés sociaux.

Un règlement "arbitraire" que le docteur Poupardin a refusé d'appliquer. D'un point de vue médical, ce dernier estime qu'on ne peut ainsi "découper le corps humain en morceaux" et qu'il y a des interactions entre les affections. D'un point de vue social, celui qui exerçait dans le quartier populaire de Vitry-sur-Seine fait valoir que les patients démunis risquent de ne pas prendre, pour des raisons financières, les traitements moins bien remboursés. "La politique veut que nous fassions du chiffre mais nous soignons des gens, pas des objets", s'agace-t-il au micro d'Europe 1.

Contre "la privatisation rampante" de l'assurance-maladie

D'après son épouse, Danièle Ducas-Poupardin, elle-même généraliste retraitée, ce genre de contentieux se négocie habituellement entre le médecin et la caisse. Mais son mari en fait une affaire de principe : il se pose même en héraut du combat pour l'accès aux soins et en rempart contre "la privatisation rampante" de l'Assurance-maladie.

Il est soutenu dans son combat par des représentants de partis et d'associations de gauche et d'extrême gauche. Dans un courrier adressé à la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, son comité de soutien a demandé la fin des poursuites et la suppression des ordonnances bizones. Mercredi midi, juste avant l'audience, un rassemblement de soutien était prévu devant le tribunal de Créteil.

Aura-t-il gain de cause ? L'affaire dure depuis octobre 2009 et le même tribunal, en septembre 2010, ne s'était pas immédiatement prononcé, réclamant une expertise médicale.