Quand la justice condamne à tort

Abdelkader Azzimani, bientôt 48 ans, et Abderrahim el-Jabri, 47 ans dans quelques jours, n'ont pas caché leur émotion après la décision de la Cour de révision.
Abdelkader Azzimani, bientôt 48 ans, et Abderrahim el-Jabri, 47 ans dans quelques jours, n'ont pas caché leur émotion après la décision de la Cour de révision. © MAXPPP
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avec Lionel Gougelot et AFP , modifié à
Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri ont obtenu mercredi l'annulation de leur condamnation.

Pour un meurtre qu'ils n'ont pas commis, Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri ont été condamnés à 20 ans de réclusion en 2003. Pour la neuvième fois seulement dans l'histoire judiciaire d'après guerre, la justice a reconnu son erreur. La Cour de révision a en effet annulé ce verdict mercredi. Les deux hommes seront rejugés par une cour d'assises dont ils attendent un acquittement. Après un long combat pour leur réhabilitation.

Condamnés pour un meurtre sauvage. Abdelaziz Jhilal, 22 ans, petit dealer de cannabis, a été tué de 108 coups de couteau en 1997, à Lunel, dans l'Hérault. A l'époque, tout accuse Azzimani et el-Jabri.  Eux-mêmes impliqués dans le trafic de stupéfiants, ils reconnaissent avoir été parmi les derniers à rencontrer la victime, pour une livraison de cannabis. Mais surtout, un témoin identifie les deux hommes comme étant les auteurs du crime.

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Après avoir écopé de six ans de prison pour trafic de stupéfiants, ils avaient été jugés et condamnés pour le meurtre à vingt ans de réclusion malgré de nombreuses incohérences relevées dans le témoignage clé. Cette peine avait été confirmée en 2004 en appel, malgré une étrange requalification du chef d'accusation en "complicité" d'homicide, sans que l'auteur principal soit identifié.

Nouvelles arrestations en 2011. Les deux hommes ont toujours clamé leur innocence. Une série de "miracles", selon leurs avocats, leur ont permis de faire entendre leur voix. C'est d'abord le revirement du témoin à charge, qui a poussé la justice à rouvrir le dossier en 2009. Enfin, le versement tardif de traces ADN sous scellés vers le fichier des empreintes génétiques a permis de confondre les nouveaux suspects.

L'affaire rebondit véritablement en 2011 avec l'arrestation et la mise en examen pour assassinat d'un manutentionnaire et d'un directeur de centre de loisirs d'une trentaine d'années qui disculpent les deux condamnés. 

Libérés, pas innocentés. Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri, 47 et 46 ans, ont finalement  été libérés sous condition en 2009 et 2011 après une quinzaine d'années passées derrière les barreaux. Mercredi, ils espèrent donc enfin obtenir l'annulation de leur condamnation. 

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En avril dernier, devant la Cour de révision, l'avocat général avait soutenu la demande d'annulation de leur condamnation prononcée en 2003. Le magistrat a également recommandé la tenue d'un nouveau procès pour les acquitter.

L'espoir, malgré l'absence de "confiance" en la justice. "Je n'ai jamais été un meurtrier. J'ai toujours respecté la vie d'autrui. On m'a collé une étiquette qui n'était pas la mienne", assurait avant l'annonce de cette décision Abderrahim el-Jabri au micro d'Europe 1 mardi. "Lorsque je vois les gens dans la rue, je sens que le regard est pesant. Ça me rappelle toutes les années que j'ai perdues et la douleur que j'ai subie", confiait-il.

Abderrahim El-Jabri

Croit-il encore en la justice ? "Lorsque vous êtes confronté à la justice dans une erreur judiciaire, vous n'avez pas confiance. Mais puisque les coupables sont là, elle est obligée de le faire. J'aimerais que tout cesse et que la justice fasse son pardon", expliquait alors le condamné à tort.