Procès de l'UIMM : où sont les 16 millions ?

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et Chloé Triomphe , modifié à
Le procès de l'argent des caisses noires de l'Union des industries et métiers de la métallurgie s'ouvre lundi.

Où sont passés les 16 millions d'euros de la "caisse noire" de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) ? C'est la question à laquelle tenteront de répondre à partir de lundi les juges du tribunal correctionnel de Paris. L'ancien patron de l'UIMM, Denis Gautier-Sauvagnac et huit autres cadres, comparaissent devant la justice. Devant les enquêteurs, l'ancien patron de l'UIMM s'était contenté d'expliquer que cet argent servait à "fluidifier le dialogue social". Mais pour les enquêteurs, cet argent était versé en liquide aux organisations syndicales. L'UIMM est donc poursuivi pour "abus de confiance" et "travail dissimulé" entre 2000 et 2007.

D'où vient l'argent ? L'Union des industries et des métiers de la métallurgie est l'une des branches les plus importantes du Medef. Une partie de ses revenus est destinée à apporter "un appui moral et matériel" à ses adhérents subissant un conflit collectif du travail. Pour bénéficier de cette entraide professionnelle des industries et des métaux, les entreprises doivent verser entre 2% et 0,4% du montant de leur masse salariale brut annuelle. En 2006, la somme accumulée par l'UIMM s'élevait à près de 600 millions d'euros. Une somme colossale sur laquelle régnait une grande opacité.

Comment l'affaire a-t-elle éclaté ? Le 18 septembre 2007, un signalement de Tracfin, fait éclater l'affaire. Une banque signale en effet à la cellule anti-blanchiment de Bercy d'importants retraits d'argent liquide durant sept ans sur les comptes de l'UIMM. Et les sommes sont colossales : on parle de près de 18 millions d'euros. A partir de ce moment-là, les policiers enquêtent et les juges d'instructions travaillent d'arrache-pied pendant quatre ans. Finalement, les enquêteurs étaient parvenus à remonter à une somme de 15,6 millions d'euros.

A qui revenait l'argent ? Mais rien n'y fait. Car, dans ce dossier, personne ne parle. A commencer par Denis Gautier-Sauvagnac, l'ex-homme fort de la puissante fédération de la métallurgie. Pourtant, dans le monde patronal et syndical, il s'agit d'un secret de polichinelle. Et beaucoup disent à voix basse que ces mallettes d'argent liquide auraient servi à financer des organisations syndicales de la métallurgie (CFTC, CFE-CGC, FO,CFDT). Ces enveloppes d'espèces régulièrement distribuées aux syndicats auraient dépassé les deux millions d'euros par an.

"A la différence d'autres affaires, il ne s'agit pas de blanchiment d'argent, c'est-à-dire qu'on aimerait savoir d'où vient l'argent alors qu'on sait où il va. Là, c'est l'inverse, c'est une affaire de "noirciment d'argent". C'est-à-dire qu'on sait très bien d'où vient l'argent, il vient des caisses de l'UIMM, et il a été retiré petit à petit pour alimenter des associations, des partis, des organisations syndicales, tout converge plutôt vers des organisations syndicales", résume Bernard Vivier, directeur de l'institut supérieur du travail et expert des relations sociales, interrogé par Europe 1.

Quelles sont les explications de l'UIMM ? Forcé de s'expliquer, Denis Gautier-Sauvagnac avait déclaré à l'époque que "cet argent a servi à fluidifier le dialogue social". "Dans la tradition de l'UIMM, et comme on le faisait depuis des décennies, l'UIMM a apporté un concours financier à des organismes qui participent à notre vie sociale, déclare-t-il ainsi. Ces versements, comme vivement recommandés par mes prédécesseurs, ont toujours été faits de personne à personne, entre quatre yeux, donc la personne qui reçoit pourra toujours nier. Je ne crois pas, très sincèrement, qu'il soit de l'intérêt général de procéder à un grand déballage qui ne serait pas utile à notre pays", avait-il déclaré avant de garder le silence.

Des réponses pendant le procès ? En dira-t-il davantage lundi devant le tribunal ? "C'est le but du procès : savoir où est allé l'argent. Le principal intéressé, Denis Gautier-Sauvagnac, n'ayant jamais voulu dire précisément à qui il avait donné l'argent, je ne pense pas que ceux qui sont dans le box des accusés vont parler. C'est un secret de polichinelle comme l'avait dit la patronne du MEDEF de l'époque. C'est un secret de famille, des personnes savent et un jour, probablement, nous le saurons. Mais ce n'est pas le juge ou le journaliste qui le sauront, c'est l'historien de l'époque", conclut Bernard Vivier, directeur de l'institut supérieur du travail et expert des relations sociales, interrogé par Europe 1.