Primes en liquide : ce qu'a dit Guéant aux enquêteurs

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et Alain Acco , modifié à
L'ex-ministre de l'Intérieur a été entendu 15 heures dans le cadre de l'enquête pour détournement de fonds publics.

"C'est la faute de Jospin". C'est en substance l'explication donnée par Claude Géant, auditionné pendant 15 heures, mardi, au siège de la direction centrale de la police judiciaire, à Nanterre. L'ancien ministre de l'Intérieur, ainsi que Michel Gaudin, membre du premier cercle de Nicolas Sarkozy, étaient tous deux entendus dans l'affaire dite des "primes" de cabinets. Une parties des frais d’enquête et de surveillance de la police nationale, normalement destinés aux policiers, était donc attribuée aux directeurs de cabinet de la place Beauvau.... en l’occurrence Claude Guéant entre 2002 et 2004. Les deux hommes ont été relâchés tour à tour dans la soirée. Europe 1 vous résume les explications données par Claude Guéant.

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Sur quoi Claude Guéant était-il entendu ? L'ancien ministre de l'Intérieur était entendu dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris, en juin dernier, pour détournement de fonds publics. Rendues publiques le 10 juin, les enquêtes de l'IGA et de l'IGPN indiquaient que les primes de cabinet ont bien perduré au sein de la place Beauvau, et ce jusqu'en 2004. Cette pratique était pourtant censée avoir été interdite en 2002, sous le gouvernement Jospin.

Le montant de ces primes ? 10.000 euros mensuels, remis au directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, Claude Guéant. Sauf que ces sommes ne lui étaient pas destinées. Elles devaient en effet être utilisées pour un système de "gratifications", notamment pour les policiers en charge de la protection du ministre Sarkozy. L'enquête révèle donc une pratique illicite et l'opacité des frais de Police. Et c'est sur ce point que les enquêteurs ont interrogé Claude Guéant.

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Quelles ont été les explications de l'ancien ministre ? Selon son avocat, Me Philippe Bouchez-El Ghozi, Claude Guéant a fourni des explications longues et complexes aux enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. Le proche de Nicolas Sarkozy a pointé les limites de la mesure prise par Lionel Jospin en 2002. Pour rappel, ce dernier avait interdit le versement d'argent liquide provenant des fonds secrets et versé aux membres des cabinets ministériels.

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Selon Claude Guéant, le gouvernement socialiste de l'époque n'avait pas prévu un budget suffisant pour maintenir un niveau correct de rémunération des membres du cabinet du ministère de l'Intérieur. C'est donc pour recruter du personnel de qualité dans son cabinet que Claude Guéant a décidé de trouver  une solution transitoire, le temps que les budgets soient revus à la hausse. Pendant deux ans, place Beauvau a donc pioché dans les frais d'enquête et de surveillance de la police nationale. En résumé, les 10.000 euros versés chaque mois à Claude Guéant servaient donc à gratifier les membres de son cabinet qui ne comptaient pas leurs heures. Dans le détail, l'homme politique conservait 4.000 euros pour lui et donnait entre 2.000 et 3.000 euros à quelques uns de ses collaborateurs.

Une solution transitoire, qui a disparu en 2004, quand le Parlement a triplé la dotation initialement prévue par le gouvernement socialiste. Le budget attribué au cabinet de la place Beauvau est en effet passé de 434.000 euros à 1,3 millions.

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Claude Guéant risque-t-il d'être poursuivi ? Son avocat est formel : les poursuites pour détournement de fonds publics ne tiennent pas. L'argent liquide n'a en effet pas été détourné à des fins privées, mais pour faire fonctionner le cabinet du ministre de l'époque, Nicolas Sarkozy. Et surtout, ces pratiques étaient courantes place Beauvau. Selon Me Philippe Bouchez-El Ghozi, si son client est poursuivi de nombreux autres directeurs de cabinets du ministère de l'Intérieur devraient l'être aussi.

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Et concernant les autres affaires ? Son nom étant cité dans l'affaire Tapie, c'est sur ce point que Claude Guéant pensait être entendu. Ce dernier a reçu plusieurs fois Bernard Tapie, alors qu'il était secrétaire général de l'Elysée. C'est à cette période, en 2008, que la décision de recourir à l’arbitrage dans le litige opposant Bernard Tapie au Credit Lyonnais a été prise. A l'époque, Claude Guéant a aussi organisé une réunion, dans son bureau, avec les deux hauts fonctionnaires mis en examen mercredi, pour valider le choix de l'arbitrage. Claude Guéant devrait donc prochainement être convoqué à la Brigade Financière, en charge de l’enquête, à Paris.

Autre dossier judiciaire sensible : la campagne présidentielle de 2007 et les soupçons de financement occultes par le régime de Khadafi. Les juges s'interrogent sur les relations que Claude Guéant entretenait avec certains hauts dignitaires du régime lybien. Il devrait également être entendu sur ce dossier.

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