Première prière dans une caserne à Paris

Mohamed Salah Hamza, recteur de la mosquée de la rue Myrha dans la caserne du Boulevard Ney prochainement transformée en mosquée provisoire.
Mohamed Salah Hamza, recteur de la mosquée de la rue Myrha dans la caserne du Boulevard Ney prochainement transformée en mosquée provisoire. © REUTERS
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et Sandrine Prioul , modifié à
Malgré l'interdiction, quelques fidèles musulmans ont tout de même prié dans la rue.

Le succès était au rendez-vous, et même un peu trop, pour la première prière de fidèles musulmans dans une ancienne caserne du nord de Paris transformée en mosquée. Plus de 3.000 personnes ont pu prier dans le bâtiment du boulevard Ney mais près de 1.500 personnes ont dû rester dans la cour, faute de place. L'ouverture de ce nouveau lieu de culte à Paris coïncidait avec l'interdiction de prier dans les rues. Une décision que le ministère de l'Intérieur était déterminé à faire respecter dès vendredi.

Un décor "froid"

La première prière a eu lieu vers 14 heures dans l'ancienne caserne du boulevard Ney. A la mi-journée, plusieurs dizaines de fidèles étaient déjà installés dans les ateliers de cette ancienne caserne, assis par terre au milieu de ces locaux immenses dans lesquels ont été emmenés dans la matinée tous les tapis de prière de la mosquée de la Goutte-d'Or, mais également le mobilier adéquat pour la cérémonie.

Pour le moment, l'endroit est encore un peu froid. Les murs nus, repeints en gris, sont loin de l'apparence habituelle d'un lieu de culte. Mais pour un des fidèles interrogé par Europe1, l'essentiel est de ne plus avoir à prier dans la rue. "C'était pas notre but de déranger (…). L'islam nous interdit de déranger les voisins. Il y a des gens qui se plaignent, on sait qu'on dérange, mais ce n'est pas notre but de prier sous la pluie, ça nous dérange aussi. Seulement c'est une obligation. On doit prier peu importe où l'on se trouve", explique-t-il.

Quelques récalcitrants

Pour éviter que des musulmans ne soient tentés de prier dans les rues de la Goutte d'Or, les deux petites mosquées du quartier avaient été fermées vendredi, a indiqué le recteur de la mosquée Myrha (l'une de ces deux mosquées, ndlr). Mais quelques dizaines de jeunes sont malgré tout venus en cortège du quartier de la Goutte d'Or pour protester contre l'interdiction des prières de rue et ont provoqué quelques heurts aux abords de la caserne. Malgré les membres du service de sécurité, ils ont pu pénétrer dans le bâtiment pour y déployer une banderole.  

Au même moment, environ 200 musulmans, pour la plupart dans l'ignorance qu'un nouveau lieu de culte était ouvert, ont prié sur les trottoirs de la rue Polonceau, devant la mosquée fermée. Mais ils n'ont pas gêné la circulation des voitures, a assuré la Préfecture de police qui n'est pas intervenue.

"Une première en France"

Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris, s'était félicité vendredi matin sur Europe 1 qu'un nouveau lieu ait été trouvé. "C'est une véritable première en France où les pouvoirs publics ont pris une décision que j'estime très sage et très utile (…) car nous avons bénéficié du temps nécessaire pour préparer les locaux qui ont été choisis par l'Etat afin qu'ils soient convenables", a-t-il expliqué. "C'est une solution temporaire (…). D'ici trois ans, la mairie de Paris pense que dans le 18e arrondissement, nous aurons de nouveaux locaux", a-t-il précisé.

L'Etat reste maître des lieux

Dalil Boubakeur a par ailleurs répondu aux critiques de Marine Le Pen qui avait polémiqué jeudi sur le loyer payé par les associations pour utiliser cette ancienne caserne. "Je pense qu'il y aurait beaucoup de Français qui aimeraient pouvoir accéder à un logement social à 147 euros par mois les 100 mètres carrés", avait lancé la présidente du Front national.

Des propos que réfute Dalil Boubakeur. "Non. Il y a des formules que l'Etat aurait pu utiliser comme le bail emphytéotique  qui n'aurait coûté qu'un euro pour un siècle. Dans le cas présent, c'est une mesure qui maintient la propriété de l'Etat en permanence, et ce n'est pas pour toujours mais pour une période de trois ans compte tenu du problème de l'ordre public", a rectifié Dalil Boubakeur.