Médicaments : et si on les vendait à l'unité ?

Marisol Touraine souhaite que les médicaments puissent être prescrits à l'unité, et non pas par boîtes entières.
Marisol Touraine souhaite que les médicaments puissent être prescrits à l'unité, et non pas par boîtes entières. © MAXPPP
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Thomas Morel
Marisol Touraine souhaite tester en France la vente de comprimés à l'unité. Une solution qui n'a pourtant pas que des avantages.

L'info. 1,5 kilos. C'est la quantité de médicaments inutilisés qui dormirait, en moyenne, chez chaque Français. Un phénomène qui est d'abord dû au fait que, même pour des traitements courts, les pharmaciens vendent les pilules par boîtes entières. Résultat, le surplus s'entasse, au risque que certains malades aillent piocher directement dans leur réserve, sans consulter un médecin auparavant. "C'est à la fois un gâchis et un danger", a souligné jeudi matin Marisol Touraine sur iTélé.

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Un test dans certaines régions. Pour résoudre ce problème, la ministre de la Santé pense avoir trouvé la solution idéale : la vente de médicaments à l'unité. Ainsi, si vous devez prendre un traitement pendant trois jours seulement, votre pharmacien ne vous distribuera que le nombre exact de comprimés dont vous avez besoin. Une idée déjà en pratique au Royaume-Uni, au Canada ou encore en Nouvelle-Zélande, et qui pourrait voir le jour "dans certains régions et certaines pharmacies" dans un premier temps, afin d'en évaluer l'impact. Beaucoup de professionnels, toutefois, doutent de l'efficacité de ce mode de vente.

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# LES ATOUTS

Des économies pour la sécurité sociale. Pour le gouvernement, le premier bénéfice de cette mesure serait économique. Alors que le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre l'an prochain 12,8 milliards d'euros, les pouvoirs publics font un calcul simple : moins de médicaments vendus = moins de remboursements à effectuer.

Une pharmacie à Nice.

Moins de problèmes de destruction. L'autre problème lié à la vente de comprimés dans des boites trop grosses, c'est que les produits non-utilisés doivent être détruits. Chaque année, 14.000 tonnes de médicaments en tout genre sont collectés par Cyclamed, l'association chargée de rassembler les produits pharmaceutiques inutilisés. Et pas question de simplement les jeter : pour s'en débarrasser, la seule solution possible consiste à les incinérer dans des usines spécifiques, afin d'éviter que des produits chimiques ne se répandent dans la nature. Réduire la quantité de produits distribués permettrait de faire baisser les coûts liés à cette destruction.

Eviter les accidents domestiques. Enfin, la vente à l'unité permettrait d'éviter que les pilules s'entassent dans les armoires à pharmacie. Tout le monde a tendance à garder, dans sa salle de bain, les boîtes liées à un traitement qui n'ont pas été totalement utilisées. Au risque, si la maladie se représente, de reprendre le même médicament, sans demander l'avis de son médecin. "les médicaments entassés dans une armoire à pharmacie amènent des gens à prendre des produits pas forcément adaptés", explique la ministre de la Santé. Selon elle, changer le mode de distribution des produits permettrait de réduire les risques d'intoxication.

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 # LES INCONVENIENTS

Les problèmes de traçabilité. Pour éviter qu'un médicament dangereux disparaisse dans la nature, le système de traçabilité français est très poussé et permet d'identifier rapidement les patients qui ont acheté des produits à risque. "Lorsqu'il y a un rappel de lots de médicaments, il faut savoir qui a reçu quoi", explique pour Europe 1 isabelle Adenot, de l'ordre national des pharmaciens. Le danger, avec une pilule distribuée à l'unité, c'est qu'on ne sache plus de quel lot elle provient.

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Assurer une hygiène parfaite. Autre inconvénient, si les pharmaciens sont amenés à manipuler des comprimés un par un, cela augmente pour eux le risque de les confondre et de les mélanger. Et non seulement il leur faut faire attention aux produits eux-mêmes, mais  c'est également tout le plan de travail qui doit être d'une qualité irréprochable : il suffit parfois de quelques microparticules de poudre pour propager le principe actif d'un médicament, avec la crainte de créer accidentellement des mélanges dangereux pour la santé.

Un surcoût pour les professionnels. Enfin, pharmaciens comme industriels s'inquiètent du surcoût impliqué par ce changement de conditionnement : il faudrait repenser la façon dont les produits sont fabriqués ainsi que l'organisation même des pharmacies. "Attention à des systèmes plus coûteux et inadaptés", a alerté jeudi matin sur Europe 1 Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine.