Mediator : un cardiologue accuse Servier

Le professeur Iung explique qu'une phrase favorable à Servier a été rajoutée au dernier moment dans son rapport.
Le professeur Iung explique qu'une phrase favorable à Servier a été rajoutée au dernier moment dans son rapport. © REUTERS
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avec Frédéric Nicolas , modifié à
Le professeur Iung assure que le laboratoire a modifié l’un de ses rapports sur le médicament.

En 2009, le professeur Iung a été mandaté par le laboratoire Servier pour déterminer la dangerosité éventuelle du Mediator. Les conclusions du cardiologue sont claires. "Mon opinion était qu’il y avait un lien de cause à effet (avec les valvulopathies, ndlr). Et que si le médicament n’avait pas de bénéfice majeur, il n’était pas justifié de le maintenir", explique le médecin à Europe 1. Le Mediator est au cœur d’un énorme scandale sanitaire, et pourrait avoir causé la mort de 500 à 2.000 personnes, voire plus, selon les estimations.

Seulement voilà, le rapport a été modifié à la dernière minute par le laboratoire juste avant sa présentation devant l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). "Il y a une phrase qui a été rajoutée disant que les recommandations du laboratoire étaient adéquates, alors que ce sur quoi je me prononçais, c’était le fait qu’il fallait suivre de façon échographique les patients exposés", poursuit le cardiologue. "Il y a une différence entre le début et la fin."

Servier se défend d'avoir minoré les risques

Le laboratoire Servier a vite répliqué jeudi après-midi et s'est défendu d'avoir "minoré les risques éventuels" du Mediator pour éviter son retrait. Selon le laboratoire, ce changement "ne touchait en aucune manière les résultats de l'étude" et concernait seulement "le suivi des patients traités et les contre-indications". Servier affirme avoir préconisé deux surveillances du médicament", contre une seule recommandée par le document d'origine. "La version initiale préconisait une surveillance échographique. La version définitive ajoutait à cette surveillance l'inscription d'une contre-indication en cas d'anomalie valvulaire", a précisé le laboratoire.

"Je n’ai pas prêté toute l’attention que j’aurais dû"

De son côté, le professeur Bernard Iung ne s’exonère pas de toute responsabilité. "Sur le moment, je n’ai pas prêté toute l’attention que j’aurais dû, c’est clair. Je l’ai vu avant de le présenter, puisque j’ai relu le rapport avant", admet-il. "Mais pour moi, ce qui comptait, c’est ce qu’on m’avait demandé, c’est-à-dire d’établir le lien de cause à effet."

Dans Libération, le même professeur Iung, qui indique avoir été "rémunéré 5.000 euros" par le laboratoire pour cette étude, en tire cette conclusion. "Ca peut poser la question de savoir si les experts ne devraient pas être mandatés directement par l'Afssaps" et non plus par les laboratoires.