Les magistrats sont à bout

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Fabienne Cosnay , modifié à
Le projet de loi sur l’exécution des peines suscite une nouvelle fois des critiques.

"Des lois aux objectifs inconciliables". "Des textes qui s’empilent de manière contradictoire". Une fois de plus, les magistrats dénoncent la politique pénale du gouvernement et la dernière réforme du quinquennat Sarkozy consacrée à l’exécution des peines. Le projet de loi - qui entrera en vigueur en 2017 - arrive mardi devant l’Assemblée nationale et sera examiné en urgence (une seule lecture par chambre) par les députés et les sénateurs. Une procédure à la va-vite qui irrite les syndicats. "Depuis cinq ans, la politique pénale est menée par à-coups médiatiques", dénonce Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats, l’organisation majoritaire, joint par Europe1.fr

"Difficile de ne pas devenir schizophrènes"

Fait rarissime dans le monde judiciaire, c’est une magistrate du parquet - dépendant du ministère de la Justice - qui est montée au créneau, lundi, pour dénoncer le projet de loi. Le "service après-vente de la justice pénale est en grande difficulté par manque de moyens", avec des juges et les services chargés de l'application des peines "au bord de la crise de nerfs", a lancé la procureure de la République de Caen, Catherine Denis, lors de l’audience solennelle de rentrée du TGI de Caen. "Il est parfois difficile pour les magistrats de ne pas devenir schizophrènes à appliquer des lois aux objectifs inconciliables", a ajouté la magistrate.

Un exemple ? Les lois contradictoires en vigueur concernant les peines planchers (NDLR : une peine minimum en  dessous de laquelle le juge ne peut pas descendre) et les aménagements de peine demandés aux juges d’application des peines (JAP).  Une contradiction incompréhensible pour les justiciables. "En correctionnelle,  on passe une partie de l’audience à dire au prévenu, "on va vous appliquer une peine plancher " sachant qu’au final, la peine de prison ne sera pas exécutée ", décrypte Christophe Régnard.

Des relations détériorées

Le volet anti-récidive n’est pas non plus logique, selon les magistrats. Le projet de loi prévoit, entre autres, de "mieux évaluer le profil des personnes condamnées" et d'augmenter le nombre d'experts psychiatres dans les tribunaux. Des propositions faites par le ministre de la Justice, fin novembre, en réponse au meurtre d’Agnès, en Haute-Loire, qui avait bouleversé le pays. Là encore, les syndicats pointent du doigt les contradictions des politiques pénales en vigueur. "On crie au scandale à chaque fait divers alors que, dans le même temps, on doit appliquer des circulaires du ministère de la Justice, nous demandant de faire un maximum de libérations anticipées", s'irrite Christophe Régnard.

A quatre mois de la présidentielle, les relations entre Nicolas Sarkozy et les magistrats ne peuvent se détériorer davantage. Le chef de l’Etat avait d’ailleurs renoncé à saluer leur travail, au dernier moment, lors de ses vœux aux fonctionnaires, le 1er janvier, à Metz.