Les dix moines radiés des listes électorales ripostent

© Max PPP
  • Copié
, modifié à
Le tribunal d'instance a radié les moines estimant qu'ils ne vivaient plus à l'abbaye de Fontgombault, dans l'Indre. Ces derniers se pourvoient en cassation.

Les moines de l'abbaye de Fontgombault comptent bien garder une certaine influence sur leur ville. Radiés des listes électorales à la demande de partisans de la laïcité, les dix religieux se sont pourvus en cassation mardi.

ACTE I - Le maire refuse de marier des couples gays. Tout commence en novembre dernier. A l'époque, le maire de la ville, Philippe Tissier, fait voter une délibération pour s’opposer formellement à la tenue de mariages homosexuels à Fontgombault. "Le maire et ses adjoints ainsi que tous les aonseillers qui ont voté cette délibération à bulletins secrets démissionneront de leurs fonctions de Conseillers Municipaux dans le cas où ils seraient contraints de procéder à un tel acte de mariage qu'ils désapprouvent formellement", précisait un texte envoyé aux habitants de la ville. Cette mesure avait finalement été votée à une large majorité par les membres du conseil municipal, composé essentiellement de catholiques. Deux des élus sont d'ailleurs moines à l'abbaye de ce village de près de 300 habitants.

L'abbaye de Fontgombault

© Max PPP

ACTE II - Les partisans de la laïcité s'insurgent. Parmi les habitants, certains digèrent alors très mal la mesure prise par le maire et ses conseillers municipaux. D'autant plus que Philippe Tissier est coutumier de ce genre de propos. Au début de l'année 2013, avant que la loi sur le mariage pour tous ne soit adoptée, il s'était en effet déjà déclaré contre l'idée de marier un couple gay. Quelques mois plus tard, la délibération de la mairie est donc apparue comme la mesure de trop pour certains habitants. "Chacun est libre d'être pour ou contre le mariage homosexuel. Un conseil municipal doit être laïc", témoignait à l'époque, Frédérique, une habitante de Fontgombault.

ACTE 3 - Et lancent le mouvement des "indignés". De là, un mouvement de contestation s'est mis en place. Surnommés "les indignés de Fontgombault" ces partisans de la laïcité dénoncent la mainmise des catholiques sur la municipalité. "Le village est sous l'influence des moines", accuse André Antigny, un ancien technicien aéronautique. Six ans après une première tentative infructueuse en solitaire, ce retraité âgé de 62 ans, tente de nouveau de faire son entrée à la mairie. Il vient en effet de présenter une liste alternatives aux municipales.  "Ils sont plus de 70 sur les listes électorales. Si vous y ajoutez quelques familles, notamment, celles des candidats, cela suffit pour faire gagner une équipe sur laquelle l’abbaye a une sorte de mainmise", explique-t-il à La Voix du Nord.

Michel Navion, délégué régional de SOS Homophobie, est venu à Fontgombault exprimer son indignation.

© Max PPP

ACTE 4 - Le tribunal d'instance donne raison aux "indignés". En ultime recours, les "indignés" ont également porté plainte contre dix moines de l'abbaye. Ils leurs reprochent d'être inscrits sur les listes électorales de Fontgombault sans résider pour autant dans la commune. Depuis deux mois, dix religieux résident en effet à l'abbaye Saint-Paul de Wisques, dans le Pas-de-Calais. A l'audience, le 4 février, l'avocat des plaignants, Me Navion, avait produit plusieurs publications, notamment sur le site internet de l'abbaye de Wisques, relatant "l'installation définitive" de ces moines bénédictins dans le Pas-de-Calais. Le tribunal d'instance a donc estimé, le 14 février dernier, que les dix religieux ne pouvaient voter pour élire le prochain conseil municipal du village.

ACTE 5 - L'abbé répond (enfin). Mais dans un entretien accordé mardi au quotidien La Nouvelle République, le père abbé Jean Pateau, supérieur du monastère, affirme que les dix moines "sont encore des moines de Fontgombault qui se trouvent en déplacement". "On n'est pas dans le cadre d'un changement de résidence", assure-t-il. Selon lui, la  véritable raison de l'action en justice des "indignés" est électoraliste. "Diminuer le nombre de moines sur la liste électorale diminue la différence de voix entre les deux camps", observe le père Pateau, tout en estimant qu'un "rapprochement est en train de s'opérer" avec certains "indignés". Les dix religieux ont toutefois décidé de contre-attaquer en se pourvoyant en cassation.

sur le même sujet, sujet,

RETOUR SUR - Mariage gay : à Fontgombault, on évoque "la loi naturelle"

ZOOM - Pas de clause de conscience pour les maires

DECRYPTAGE - Une fronde des maires vaine