Le contrôle au faciès devant la justice

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Frédéric Frangeul avec AFP , modifié à
S’estimant victime de contrôles abusifs, treize personnes seront entendues mercredi par le TGI de Paris.

L’INFO. C’est une première en France. Treize personnes s'estimant victimes de contrôles de police au faciès attaquent mercredi l'État et le ministère de l'Intérieur devant la justice pour pointer une pratique discriminatoire. L’audience se tiendra à 13h30 au tribunal de grande instance de Paris.

Les plaignants, âgés de 18 à 35 ans, sont étudiants ou salariés, noirs ou arabes. Aucun n’est blanc. Ils ne sont "pas des militants", selon l'un de leurs avocats, Me Félix de Belloy, mais se sont signalés auprès du Collectif contre le contrôle au faciès. Ce collectif, à l’origine de la procédure judiciaire, juge cette audience "historique".

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Menacé avec un taser. Les contrôles au faciès incriminés remontent à l’année 2011. L'un des plaignants, prénommé Bocar, attaque l'Etat pour un "contrôle musclé" qu'il a subi à Saint-Ouen, en banlieue parisienne. "Je sortais du quartier de mes parents", raconte-t-il. "Un policier me prend par un bras, il m'emmène dans un coin, il me met contre un mur. Quand je demande pour quel motif je suis contrôlé, il ne m'en donne aucun. Quand j'essaie de me retourner, il me menace avec un taser", a-t-il confié. Le jeune homme a déposé une plainte auprès de l'IGS (Inspection générale des services, la "police des polices"), mais explique n'avoir pas eu de nouvelles.

On est tous suspects ? s'interroge Bocar :

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Dénoncer des abus. "C'est pour la kyrielle de gens qui sont contrôlés de façon humiliante, fouillés, palpés parfois au niveau des parties génitales", explique Bocar. "Quand on est contrôlé, il n'y a aucun justificatif qui est donné. Les policiers peuvent contrôler qui ils veulent, quand ils veulent, sans rendre des comptes, c'est totalement opaque", souligne-t-il. L'Etat comme le parquet préconisent de débouter les 13 plaignants.

Des statistiques édifiantes. Un Noir a de 3 à 11 fois plus de chances d'être contrôlé par la police qu'un Blanc et un Maghrébin de 2 à 15 fois plus, selon une enquête de 2009 de l'Open Society Justice Initiative menée avec le CNRS à Paris. Selon Lanna Hollo, représentante de l'ONG, ce problème existe "dans tous les pays d'Europe", mais la particularité de la France était d'être dans le "déni du problème", jusqu'à la dernière campagne présidentielle. Si l'engagement 30 de François Hollande annonçait qu'il lutterait notamment contre le "délit de faciès" lors des contrôles, il ne s'est traduit que par des "demi-mesures", a déploré Lanna Hollo.

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Une volonté de transparence. De son côté, le ministère de l’Intérieur assure faire des efforts pour mieux encadrer les contrôles. Un temps évoquée, la remise d'un récépissé après un contrôle d'identité a finalement été abandonnée en septembre dernier. La place Beauvau a néanmoins annoncé le retour du matricule sur les uniformes, un dispositif qui sera opérationnel fin 2013.

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Les forces de l’ordre se sont aussi dotées d’un nouveau code de déontologie de la police pour mieux encadrer les contrôles d'identité. S’ajoute à cela l’expérimentation de caméras installés sur les uniformes des forces de l'ordre pour filmer leurs interventions et la possibilité, en cas de contestation ou d'abus, de saisir par internet directement la "police des polices".