La justice en mal de psychiatres

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avec AFP , modifié à

En garde à vue ou chez le juge, les expertises psychiatriques obligatoires ont explosé ces dernières années, mais pas le nombre d'experts, qui, peu rémunérés et peu considérés, évoquent un système "au bord du gouffre". Entre 2002 et 2009, les expertises psychiatriques d'auteurs d'infractions ont augmenté de 149% pour un nombre de praticiens qui n'a quasiment pas évolué (537 inscrits sur les listes des cours d'appel en 2011) Les causes sont identifiées: "les lois de procédure pénale adoptées depuis dix ans, et plus particulièrement, les lois de prévention de la récidive, ont multiplié les cas d'expertise psychiatrique obligatoire", constate l'étude d'impact du projet de loi sur l'exécution des peines actuellement en discussion au Parlement.

Le système "met le psychiatre à toutes les sauces", selon Martine Lebrun, présidente de l'Association nationale des juges d'applications des peines (Anjap). "On est tous en train de se les disputer, du procureur au juge d'application des peines, en passant par le juge des tutelles ou le policier en garde à vue", explique la magistrate. "J'ai connu une époque où les juges d'instruction nous donnaient deux mois pour une expertise criminelle, maintenant on est à quatre ou six mois", témoigne Gérard Rossinelli, expert à la cour d'appel de Toulouse et président de l'Association nationale des psychiatres experts judiciaires (Anpej).

L'allongement des délais se répercute sur la longueur des procédures quand il ne bloque pas purement et simplement certaines requêtes comme des aménagements de peines courtes ou des permissions de sortie, qui imposent, pour certaines infractions, la présentation d'une expertise psychiatrique de moins de deux ans. "La présidente de la cour d'appel de Rouen a récemment contacté nos collègues en disant: 'Faites quelque-chose, il y a des détenus auxquels on ne peut pas accorder de sortie faute d'expertise au dossier!'" rapporte Gérard Rossinelli, évoquant un système "au bord du gouffre". Un article récemment mis en ligne sur le site de l'Observatoire international des prisons (OIP) déplore une situation similaire à Roanne qui compte un seul psychiatre dans le ressort du TGI.