La contraception gratuite fait son chemin

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Un rapport préconise au gouvernement de rendre gratuite et anonyme la contraception pour les jeunes.

Comment éviter le nombre de grossesses non désirées chez les jeunes filles ? Dans un rapport remis jeudi 16 février 2012 à la secrétaire d'État à la jeunesse, Jeannette Bougrab, trois spécialistes préconisent un accès entièrement gratuit à la contraception pour les jeunes.

"La gratuité de la contraception pour les mineurs ne constitue pas, et de loin, la règle sauf dans les centres de planification", déplorent les gynécologues Israël Nisand et Brigitte Letombe et la psychologue Sophie Marinopoulos. Europe1.fr résume les différentes propositions de ce rapport intitulé "Et si on parlait de sexe à nos ados ? Pour éviter les grossesses non-prévues chez les jeunes filles".

Quel est le principal constat de ce rapport ? Comme l'Inspection générale des affaires sociales en 2010, ce rapport fait le constat d'un accès défaillant des jeunes à la contraception. Le rapport est sévère : "irresponsabilité collective", "tabou", dispositifs inappliqués... la sexualité des adolescents inquiète.

Seuls 68 % des étudiants utilisent un moyen contraceptif et le nombre d'avortements reste élevé en France. Le rapport déplore en effet que près de 12.000 avortements aient été pratiqués en 2009 sur des mineures, contre 8.700 en 1990.

Ces dernières années, on comptait en 2009 10,4 IVG pour 1.000 femmes âgées de 15 à 17 ans, comme en 2008, et 10,8 en 2007 et 11,2 en 2006, selon l'Insee. Si les chiffres ont légèrement baissé depuis 2006, Jeanette Bougrab voit "une banalisation du fait d'être enceinte à quinze ans" et alors que les auteurs du rapport.

Comment expliquer cette sexualité à risque chez les jeunes ? Selon les auteurs du rapport, "la pornographie éduque nos enfants". "Près de trois garçons sur quatre et plus d’une fille sur deux ont commencé à consommer de la pornographie avant l’âge de 14 ans", dit le rapport.

Le professeur Nisand, chef du service de gynécologie obstétrique du CHU de Strasbourg, détaille, à partir d'études, les conséquences de ce rapport précoce à la pornographie : difficulté à construire une relation amoureuse stable, bouleversement du rapport homme-femme, "attentes et perceptions biaisées de l’expérience sexuelle".

Payer pour regarder ? Les auteurs, qui prônent une éducation à la sexualité renforcée, proposent également la taxation des contenus internet pornographiques. Les spécialistes préconisent en effet qu’aucune image pornographique ne puisse être visionnée sans donner son numéro de Carte bleue.

Le gynécologue Nisand, qui a fondé "Info-ado" à Strasbourg, propose d'instaurer davantage de centres d'information pour les jeunes. Le professeur préconise la mise en place de structures où les jeunes peuvent trouver, de façon anonyme et gratuite, des informations sur la sexualité. Enfin, le rapport trace des pistes de "bonnes pratiques" pour les parents, l’école ou encore les médecins.

La gratuité et l'anonymat des jeunes en question. Parmi les dix-huit propositions énoncées, les auteurs préconisent la mise en place d'un 'forfait contraception pour mineures' prévoyant "la gratuité de l'ensemble des moyens contraceptifs et des préservatifs jusqu'à 18 ans (et sous conditions de ressources de 18 à 25 ans)".

Pour les jeunes filles, "on demande qu'elles aient un accès gratuit à une consultation médicale près de leur lieu d'habitation ou de leur établissement scolaire pour avoir un bilan biologique éventuel et à une prescription contraceptive tout à fait anonyme et gratuite", précise Brigitte Letombe, co-auteur de ce rapport.

Il s'agirait également d'assurer l'anonymat des jeunes, car à l'heure actuelle, le remboursement des consultations et des contraceptifs passe par la Carte vitale des parents. Une feuille de soins anonyme complèterait le dispositif.

Qui va payer ? Le rapport Nisand suggère que les contraceptifs soient directement payés aux pharmaciens, à un prix qui serait de l'ordre de la moitié du tarif actuel, soit environ 7 euros par mois. "Un forfait très bas, autour de moins de 10 euros qui permettrait le remboursement de tous les modes de contraceptions, pas uniquement la pilule parce que vous avez le patch, l'anneau, l'implant", précise Jeannette Bougrab au micro d'Europe 1.

"Le coût annuel par mineure serait donc de l'ordre de 80 euros s'ajoutant au prix d'une consultation annuelle de renouvellement", évaluent les auteurs du rapport. Un coût à "mettre en regard du coût d'une IVG (de l'ordre de 350 euros) qui ne tient compte ni des frais occasionnés par des suspicions de grossesse, ni de la contraception d'urgence, ni des conséquences psychologiques des IVG des mineures, si difficiles à mesurer", arguent les spécialistes.

Qu'en pensent les politiques ? Jeannette Bougrab, soutient cette proposition et ajoute que "certains laboratoires" ont déjà manifesté leur intérêt. "Il faut travailler avec le réseau de professionnels, avec les médecins, les pharmaciens, les associés, parce qu'avoir un contraceptif ce n'est pas quelque chose d'anodin. La question de la première consultation est importante. Il y a des expérimentations qui ont bien marché comme en Alsace", commente la secrétaire d'État à la jeunesse au micro d'Europe 1.

Mais le ministère de la Santé estime qu'il "n'est pas nécessaire de passer par la loi", a indiqué l'entourage de la secrétaire d'Etat Nora Berra. En 2011, elle avait en effet fait part de son opposition à légiférer sur ce point.