L'appel inédit des procureurs français

Les procureurs de la République vont lancer un appel pour alerter l'opinion sur leurs conditions de travail.
Les procureurs de la République vont lancer un appel pour alerter l'opinion sur leurs conditions de travail. © Maxppp
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avec Pierre Rancé , modifié à
Ils ont lancé jeudi un appel pour dénoncer leurs conditions de travail et leur déficit d'image.

C'est du jamais-vu en France. Pour la première fois, les procureurs de la République ont lancé un appel pour alerter l'opinion sur les conditions dans lesquelles ils sont obligés d'exercer leur mission.

Robert Gelli, président de la Conférence nationale des procureurs, a dénoncé jeudi sur Europe 1, trois difficultés majeures : "la question des moyens humains et matériels", "la multiplication des textes de loi qui sont parfois eux-mêmes incohérents ou contradictoires" et "la problématique du statut et de la suspicion qui est pesée sur les parquets".

Des missions impossibles à effectuer

Le texte a déjà été signé par 126 procureurs, sur les 165 que compte le pays. Il pointe notamment du doigt les nombreuses missions que ces magistrats ne peuvent plus effectuer. C'est notamment le cas au tribunal de commerce où, faute de temps et d'effectifs, les procureurs ne peuvent plus, dans les faits, vérifier les liquidations ou les faillites.

Les procureurs déplorent également les missions qu'ils ne peuvent plus faire qu'à moitié. Parmi elles, le contrôle de la police dans les gardes à vue. Aujourd'hui, tout se fait par des comptes-rendus téléphoniques, dans l'urgence et la course aux objectifs.

Des textes de lois parfois incohérents

Autre problème soulevé par les procureurs, l'accumulation de textes, parfois incohérents, à l'image de ceux consacrés à la récidive. Sur cette question, il y a eu six lois en sept ans, que les parquets n'ont eu ni le temps ni les moyens d'appliquer dans les délais.

"Parfois on se demande s’il est vraiment nécessaire de faire une loi et s’il ne serait pas tout simple d’appliquer ce qui existe déjà. Les cas peuvent être nombreux lorsqu’on aborde les questions de l’exécution des peines ou des mineurs", a insisté Robert Gelli sur Europe 1. "Il ne s’agit pas de contester la légitimité de ces textes mais de dire qu'il y a parfois des difficultés de cohérence entre ces textes et d’application pratique".

Ils sont lassés du climat de "suspicion"

Enfin, les procureurs souhaitent dissiper l'image de partialité qui leur colle à la peau. Leur objectif : en finir avec les nominations politiques qui entretiennent le soupçon. "Les conditions actuelles de nomination se traduisent par une suspicion à l’égard de l’action même du ministère public. La Conférence des procureurs s’est déjà exprimée sur la modification qui donnerait au Conseil supérieur de la magistrature plus de pouvoirs. Un avis conforme serait déjà une avancée pour que les nominations soient plus fondées sur les compétences, l’expérience professionnelle et le parcours", a évoqué le président de cette Conférence. "Ce qui est important, c’est d’être libre dans l’exercice de l’action publique. On a la possibilité d’avoir cette liberté, ceci étant la carrière est entre les mains du pouvoir exécutif", a-t-il conclu.

Avec trois procureurs pour 100.000 habitants, contre 10 dans les autres pays européens, le parquet français est aujourd'hui au bord de la crise de nerfs.