Il y a 6 millions d'"exclus bancaires"

6 millions de Français ont un accès restreint aux banques ou des difficultés dans leur utilisation.
6 millions de Français ont un accès restreint aux banques ou des difficultés dans leur utilisation. © Maxppp
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avec Raphaële Schapira et AFP , modifié à
Ces Français ont un accès restreint aux banques ou des difficultés dans leur utilisation.

Accès refusé à un conseiller, frais en cascade, interdit bancaire, incompréhension des modalités des crédits renouvelables... L'exclusion bancaire touche entre 5 et 6 millions de personnes, alertent mercredi la Croix-Rouge, le Secours catholique et l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas). Ces associations ont publié un "Manifeste pour l'inclusion bancaire en France des populations fragiles".

Pris dans la "spirale de l'exclusion sociale"

L'exclusion bancaire touche surtout les personnes fragiles ou précaires, les bénéficiaires des minima sociaux mais aussi les personnes âgées, les chômeurs, les jeunes ou encore les ménages surendettés, détaille le Manifeste. "L'exclusion bancaire provoque et aggrave la spirale de l'exclusion sociale", souligne Jean-François Mattei, président de la Croix-Rouge française.

De fait, la législation n'a cessé d'améliorer l'accès aux services bancaires depuis l'instauration d'un "droit" à un compte en 1984. Mais si 99% des Français en possèdent désormais un, ils ne sont pas tous "égaux" lorsqu'il s'agit de l'"utiliser", souligne le Manifeste. "Pour certaines catégories de personnes, il existe un véritable 'illettrisme' de l'argent", explique Jean-François Mattei.

"On travaille pour payer nos dettes"

C'est le cas de Lydia, 25 ans de carrière comme assistante maternelle à 1.200 euros par mois. Sans jamais avoir connu le chômage, elle se retrouve en difficulté après son divorce. Elle perd alors ses allocations, et, avec son fils à charge, accumule les dettes et ne peut plus payer son loyer. Jusqu'à 5.000€ après quelques mois, ce qui lui vaut d'être interdit bancaire.

"Je ne peux pas faire de chèque, je ne peux pas, par exemple, acheter une télé en trois fois, je ne peux pas avoir de crédit, être en découvert. Avec ma paye, je paye tout et il me reste 50€ pour vivre. En fait, on travaille pour payer les dettes", a-t-elle expliqué à Europe 1. Pour la nourriture, Lydia utilise le système D. "Ma maman me fait des courses, je me fais inviter, et il y a l'assistante sociale qui me donne des bons alimentaires. Je ne suis pas abandonnée", ajoute-t-elle.

Les clients fragiles pas assez accompagnés

Le problème peut aussi venir des banques qui n'informent et n'accompagnent pas assez leurs clients fragiles, ajoute le président du Conseil économique, social et environnemental, Jean-Paul Delevoye.  "Le système bancaire est extrêmement performant pour tous ceux qui ont les moyens de rembourser et extrêmement exclusif pour tous ceux qui ne les ont pas", estime-t-il. Et les conséquences peuvent être graves, alertent les associations : "privations" pour vivre avec un budget réduit par les frais bancaires, renoncement à financer des frais de santé ou un projet d'emploi, "mal-être personnel" qui peut aller jusqu'à la "rupture familiale".

Le Manifeste "ne prend pas en compte les progrès accomplis ces dix dernières années en matière d'accompagnement des personnes fragiles", répond Pierre Bocquet, directeur Banque de détail à la Fédération bancaire française (FBF). Les banques font déjà beaucoup, assure-t-il : microcrédit accompagné, initiative pédagogique "Les Clés de la banque" avec un site Internet et des dépliants distribués localement, partenariats pour améliorer le suivi des clients en difficultés...

Mais pour les associations, il faut aller au-delà. Notamment créer un "institut public indépendant" qui "certifierait" les banques au regard de leurs actions, afin de les inciter à "améliorer leurs pratiques". Autre piste évoquée : "renforcer l'éducation budgétaire et financière" des clients via des plates-formes locales qui apporteraient une aide "globale", sociale, budgétaire, juridique et psychologique.