"Il m'est arrivé de donner un kilo d'héroïne"

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avec Emmanuel Renard , modifié à
 - Le policier Patrick Mauduit a fourni de la drogue à son indic durant 6 ans, contre des infos.

L’affaire Neyret a mis en lumière les rapports troubles que pouvaient entretenir certains enquêteurs avec leurs "indics", des voyous sous protection de la police en échange d'informations. Patrick Mauduit, policier à la retraite, a accepté de raconter à Europe 1 son quotidien quand il était chef de groupe à la Police judiciaire. Au cours de ses 28 années de service, dont dix ans passées à faire tomber des trafiquants de drogue, le flic travaillait en étroite collaboration avec son informateur, surnommé "Boubou".

"Quand on a un super tonton, on le protège" :

"Boubou" était un dealer que Patrick Mauduit protégeait en échange d'informations. Le dealer avait le droit de continuer ses petites affaires à condition de "balancer" de gros trafics. "Une fois qu'il avait livré la came à un dealer, on faisait tomber ce dealer", raconte aujourd'hui le policier.

Pour le rémunérer, Patrick Mauduit se servait directement dans les saisies de drogue des affaires qu'il lui amenait. Une pratique désormais interdite puisque la loi sur la sécurité de 2004, dite Perben II, encadre, en théorie, la rémunération des indics.

L'échange avait toujours lieu dans le même restaurant du 18e arrondissement de Paris. Flic et voyou mangeaient leur couscous à la même table. Et réglaient leurs affaires dans les toilettes. "Il m'est arrivé de donner à Boubou un kilo d''héroïne (...) Quand on a un super tonton, on le protège", confie Patrick Mauduit.

"J'avais les mains dans la merde"

Aujourd'hui, Patrick Mauduit a conscience d'être allé trop loin. Le policier se remémore ses "nuits blanches" quand il filait "des grosses doses à Boubou". "J'avais les mains dans la merde", confie t-il. "On se disait "pourvu qu'il n'y ait rien derrière. Si un toxicomane faisait une overdose, l'analyse à l'autopsie aurait fait ressortir que c'était le groupe Mauduit qui avait fourni la drogue", explique t-il.

"Demain matin, si on se recroise, tu tombes"

Le système a ainsi duré six années et a pris fin du jour au lendemain. Une discussion les yeux dans les yeux entre les deux hommes. Le flic ne pouvait plus protéger son dealer devenu trop "gros". Ce jour-là, Patrick Mauduit a dit à Boubou : "demain matin, tu redeviens un voyou comme les autres, plus de protection, et si on se recroise, tu tombes".