Hépatite C : un laboratoire mis en cause

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Les autorités sanitaires n'auraient pas été prévenues par Merck d'un dysfonctionnement.

C'est une alerte sérieuse pour les malades atteints de l'hépatite C. Une longue enquête publiée mercredi dans Libération révèle des dysfonctionnements sérieux liés à l'un des traitements de référence de cette maladie, le ViraferonPeg.

Commercialisé par le laboratoire américain Merck, le ViraferonPeg s'administre avec un stylo, avec l'aide d'un infirmier ou par le patient lui-même.

L'alerte donnée dès février

C'est précisément ce stylo qui a été mis en cause en février 2011 par un professeur de médecine niçois, Albert Tran. Il constate dans son service que le ViraferonPeg guérit deux fois moins de patients que le traitement concurrent, le Pegasys, fabriqué par Roche. "J'ai regardé ce stylo de plus près, je l'ai étudié en long, en large et en travers. J'ai constaté qu'en effectuant certaines manœuvres, il peut se bloquer. Il peut également ne pas injecter la dose, sans que l'infirmière ou le patient s'en rendent compte. J'ai donc alerté le laboratoire", raconte le Pr Tran à Libération.

En France, le virus de l'hépatite C tue quelque 3.500 personnes par an. En 2010, 5.100 patients ont été traités avec le ViraferonPeg, qui, associé à la ribavirine, constitue avec le Pegasys l'un des deux traitements de référence.

Plusieurs études appuient l'alerte

Les responsables français de Merck prennent très au sérieux l'étude menée par le professeur, comme l'indique le compte-rendu d'une réunion que s'est procuré le quotidien. Cette alerte fait en effet suite à la publication de trois études scientifiques publiées en 2009 et 2010 montrant que le taux de patients guéris avec le ViraferonPeg est de 12 à 20 points inférieur à celui des malades soignés avec le Pegasys.

Par ailleurs, un autre problème a été signalé depuis plusieurs années au sujet du stylo suspect: il lui arrive de se bloquer. Ce premier dysfonctionnement n'a pas été réglé.

Les autorités sanitaires pas averties

Une réunion de crise avait donc été organisée le 29 avril dernier au siège de Schering France, la filiale de Merck qui a lancé le ViraferonPeg. Le siège américain avait été prévenu le 13 mai par le mail suivant: "Il est très important que vous preniez au sérieux cette situation, qui pourrait générer un buzz négatif dans d'autres centres [hospitaliers]". Après une nouvelle rencontre avec le Pr Tran, les envoyés du laboratoire Schering proposent d'organiser des formations. Une solution insuffisante pour le médecin niçois, qui estime de son côté qu'il faut utiliser un nouveau stylo ou des seringues.

Et pourtant, malgré les alertes du Pr Tran, les agences française et européenne des médicaments ont affirmé à Libération "n'avoir reçu aucun signalement du labo l'an dernier", ce que le laboratoire Merck dément. Le début d'un nouveau scandale sanitaire ?