Garde à vue : la parole aux avocats

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"Demi-réforme", "insuffisant", "premier pas". Ils attendent clairement plus de la réforme.

Décidément, la réforme de la garde à vue a du mal à passer. L'Etat n'en voulait pas particulièrement, les policiers l'ont toujours en travers de la gorge, et les avocats en attendent encore plus.

Ces derniers pourraient obtenir gain de cause vendredi, date à laquelle la cour de cassation rendra un arbitrage très attendu sur une garde à vue retoquée par un arrêt de la cour d'appel d'Agen, fin octobre. Un avocat avait plaidé qu'il n'avait pu avoir accès à son client durant la garde à vue, obtenant une première victoire. Le cas ferait alors jurisprudence et contraindrait le législateur à revoir sa copie.

Depuis le 1er juin, date de la mise en vigueur officielle de la réforme, les avocats peuvent être présents dès le début et tout au long de la garde à vue, et ont, en principe, un meilleur accès au dossier.

En principe seulement. Car pour les avocats interrogés par Europe1.fr, le sentiment est le même : on n'est qu'au début de la réforme. Thierry Wickers, président du Comité national du barreau (CNB) et Dominique Many, avocat à Mâcon et coauteur de La garde à vue, mode d'emploi (collection Lamy axe droit) acceptent volontiers de parler de "premier pas". Même si subsiste "une impression de travail bâclé et que le gouvernement navigue à vue", confie Me Many. "C'est dommage de faire une réforme aussi imparfaite". Un de leurs confrères, Matthieu Allard, avocat lyonnais parle lui de "demi-réforme frustrante". 

"Excité" au moment d'affronter ces nouvelles gardes à vue instaurées début juin, Matthieu Allard en est ressorti "frustré". "On a un peu l'impression d'être un pot de fleurs, ça ne donne pas une image valorisante des avocats", déplore-t-il.

"Il faut aller plus loin"

Le principal grief des avocats contre la réforme : l'impossibilité d'accéder pleinement au dossier. "On est là mais on n'a pas le droit d'intervenir. On peut seulement parler à la fin, c'est absurde", explique Thierry Wickers.

"Nous n'avons accès qu'au procès-verbal lors d'un placement en garde à vue. Et nous avons seulement connaissance des propres déclarations de nos clients. Il faut aller plus loin", renchérit Matthieu Allard.

Ils demandent donc le droit d'être présents sur toutes les étapes de la procédure qui concernent leurs clients, comme les perquisitions. Une présence qui leur est pour le moment interdite, bien qu'encouragée par une directive européenne.

Des relations "apaisées" avec la police

Comme Dominique Many, les avocats en général "fondent de très grands espoirs" dans l'arrêt de la Cour de cassation attendu vendredi. En cas d'issue défavorable, il leur restera la Cour européenne des droits de l'Homme, une cour qui a déjà épinglé la France pour son non respect de la convention européenne des droits de l'Homme.

Dominique Many salue tout de même l'apaisement dans les relations avec les policiers. "Elle s'est détendue. Ils ne nous voient plus comme des empêcheurs d'incarcérer en rond". Matthieu Allard aussi a constaté une "pacification lors des auditions de garde à vue". "La police se comporte autrement avec nous. Cela se passe de manière courtoise". Un premier pas.