Excision : des parents devant la justice

Plusieurs campagnes nationales avaient été lancées contre l'excision.
Plusieurs campagnes nationales avaient été lancées contre l'excision. © Max PPP
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avec Pierre Rancé et Célia Caradec
Accusés d'avoir voulu exciser leurs quatre filles, ils risquent 15 ans de réclusion criminelle.

C'est une coutume ancestrale pratiquée dans près d'une trentaine de pays d'Afrique. Mais en France, elle est interdite parce qu'elle se traduit par une mutilation du corps. Un couple d'origine guinéenne comparaît à partir de mardi, et jusqu'à vendredi, devant les assises de la Nièvre pour l'excision de leurs quatre filles.

Les deux parents, arrivés en France à la fin des années 1980, sont poursuivis pour "complicité de violence volontaire ayant entraîné une mutilation sur une mineure de moins de 15 ans par un ascendant". Ils encourent une peine de 15 ans de réclusion criminelle.

Une première information judiciaire avait été ouverte en 2005 pour les deux filles aînées, aujourd'hui majeures, et une seconde en 2009 concernant les cadettes, actuellement âgées de 11 et 13 ans. Les deux dossiers ont été joints depuis.

Un médecin de Nevers le signale aux autorités

En septembre 2005, à l'occasion d'une opération de l'appendicite de l'aînée, alors âgée de 14 ans, le personnel de l'hôpital de Nevers s'aperçoit qu'elle a été excisée et le signale aux autorités. Lors de l'examen des quatre sœurs par un médecin, il apparaît que les deux aînées ont été victimes d'une excision, ce qui n'est pas encore le cas des deux cadettes.

Entendu par les enquêteurs, le père déclare d'abord ne pas savoir qui a excisé ses filles, avant de mentionner une femme qui aurait pratiqué l'excision au domicile familial en son absence et celle de son épouse. Il dit également ignorer que l'excision est interdite en France et que celle-ci a été pratiquée sans son accord.

De leur côté, les filles déclarent ne "se souvenir de rien" et "ne jamais avoir quitté la France". Les deux parents sont placés sous contrôle judiciaire en 2005.

Une soumission à l'autorité familiale

Mais le 8 janvier 2009, le service pédiatrie de l'hôpital de Nevers signale que la plus jeune des filles, alors âgée de 7 ans, vient d'être admise pour "d'importants saignements d'origine vaginale". L'enfant, victime d'une "tentative d'excision", selon les examens médicaux, refuse d'indiquer ce qui s'est passé. A cette occasion, il ressort que l'autre sœur cadette a également été excisée entre 2005 et 2009. Une nouvelle fois, les parents affirment "tout ignorer de cette excision".

L'expertise psychologique des deux filles cadettes conclura à une soumission "totale à l'autorité familiale", "l'excision étant un sujet tabou dans la famille".

"Une famille récalcitrante"

Avant d'être victime d'un accident vasculaire cérébral en 2003, qui le laisse "gravement invalide", le père, 54 ans, exerçait la profession de marabout, son épouse, 44 ans et sans profession, s'occupant du foyer.  Leur avocat, Me Guillaume Valat, estime que "plutôt que de contester les faits, il s'agit d'expliquer le pourquoi et le contexte culturel", a-t-il déclaré.

"Ça commence à m'énerver cette histoire de contexte culturel. Si ce qui est arrivé à ces quatre petites filles, alors que les parents étaient avertis, était arrivé à une petite blanche, blonde aux yeux bleus, ça aurait fait un scandale. Ça arrive à une petite fille noire qui est née en France, qui a été élevée en France mais pour moi c’est le même scandale. On a atteint l'intégrité physique d'une enfant sans défense", rétorque au micro d'Europe 1, Me Linda Weil-Curiel, avocate de la Commission pour l'abolition des mutilations sexuelles (Cams), qui s'est constituée partie civile.

"Les cas qui nous préoccupent aujourd'hui, sont ceux d'une famille récalcitrante. A Nevers, il y a une forte population guinéenne qui se renferme sur elle-même et qui ne veut pas entendre les messages de la société dans laquelle elle vit", précise-t-elle en demandant qu'il y ait, en France, une vraie "politique de prévention et de répression".

Le nombre de femmes excisées en France est impossible à établir. Mais selon une estimation de l'Institut national des études démographiques (Ined) donnée en octobre 2007, il y avait en France en 2004 environ 50.000 femmes adultes excisées, des migrantes ou femmes nées en France de parents originaires d'Afrique. Cette même étude chiffrait leur nombre à 140 millions dans le monde.