Euthanasie : soutien local, désaveu national

L'Ordre des médecins des Pyrénées-Atlantiques a décidé jeudi de ne pas porter plainte contre le Dr Bonnemaison, soupçonné d'euthanasie sur quatre patients à Bayonne.
L'Ordre des médecins des Pyrénées-Atlantiques a décidé jeudi de ne pas porter plainte contre le Dr Bonnemaison, soupçonné d'euthanasie sur quatre patients à Bayonne. © MAXPPP
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avec Fabienne Le Moal et Pierre de Cossette , modifié à
L'ordre national des médecins devrait poursuivre le docteur Bonnemaison en chambre disciplinaire.

Coup de théâtre dans l'affaire du médecin urgentiste de Bayonne, soupçonné d'euthanasie active sur quatre patients ces derniers mois. L'Ordre des médecins des Pyrénées-Atlantiques, une instance locale, a décidé jeudi de ne pas porter plainte devant la chambre disciplinaire du Conseil régional de l'Ordre contre le Dr Bonnemaison. La décision, prise à la majorité à bulletin secret, a été annoncée vendredi par le président de l'Ordre des médecins des Pyrénées-Atlantiques, le Dr Marc Renoux, qui a indiqué qu'il s'en "désolidarisait".

"J'ai honte de cette décision, c'est une démission de la part du conseil, on n'a pas pris nos responsabilités. Cet homme a agi seul, il a fait quatre homicides sans concertation en se sachant hors-la-loi et le conseil ne le traduit pas devant le conseil régional, c'est inadmissible. Le conseil de l'Ordre doit faire respecter le droit. Donc, en ne votant pas un dépôt de plainte, c'est une lâcheté car on n'a pas dit le droit. Ça veut dire qu'on ne fait pas notre travail", s'est insurgé le Dr Marc Renoux à Europe 1.

"La procédure va suivre son cours"

Le conseil national de l’Ordre des médecins a immédiatement réagi. Son porte-parole, le Dr André Deseur, a certifié au micro d'Europe 1, que la procédure allait "suivre son cours". "Du fait de la gravité apparente, voire établie formellement de la situation, la juridiction professionnelle sera saisie sans aucun doute et statuera. Je ne peux pas anticiper sur la gravité de la sanction qui sera infligée mais on imagine difficilement une sanction légère pour des faits graves", a-t-il mis en garde. Selon le Dr André Deseur, il devrait cependant y avoir une délocalisation du dossier pour une plus grande sérénité des débats.

Le 24 août, le Conseil départemental de l'Ordre avait pourtant "rappelé avec force" les termes de la loi sur la fin de vie. Tout praticien a "l'obligation absolue de soulager toujours la douleur", mais "nous en avons tous les moyens sans porter atteinte à la vie même du patient". "Toute décision de l'abréger, plus gravement encore si ce geste est solitaire, sans réflexion collégiale et concertation avec la famille, relève d'un homicide volontaire", ajoutait ce texte.

Le médecin ne regrette pas son geste

Le Dr Bonnemaison a été interpellé le 9 août dernier, avant d’être mis en examen trois jours plus tard. Le médecin de l’hôpital de Bayonne est soupçonné d'être à l'origine de la mort d'au moins quatre de ses patients. Ces décès sont survenus au cours des ces cinq derniers mois, le dernier étant celui d'une patiente de 92 ans, morte le 3 août.

Par le biais de son avocat Me Arnaud Dupin, le médecin urgentiste de 50 ans a notamment reconnu avoir utilisé un médicament à base de curare, qui peut entraîner la paralysie des muscles respiratoires et a affirmé  "ne pas regretter son geste". Le praticien a réagi, "face à sa conscience de médecin (…) pour abréger les souffrances de quelques minutes, de quelques heures parfois, pour certaines personnes qui étaient dans son service", selon son avocat interrogé sur Europe 1.

La justice se penche sur son cas mardi

Quelle que soit la décision de l'Ordre des médecins, la procédure judiciaire se poursuit par ailleurs. Le médecin urgentiste, mis en examen, a été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Mais la Cour d’appel de Pau examinera 6 septembre prochain l’appel du parquet Bayonne sur cette remise en liberté.