Éducation : 10.000 postes en plus, est-ce raisonnable?

Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, le 26 juin 2013 sur Europe 1. © EUROPE1
Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, le 26 juin 2013 sur Europe 1. © EUROPE1
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avec Martial You , modifié à
Vincent Peillon a annoncé 10.000 embauches dans le secondaire. Un pari osé et à l'utilité contestée.

L'annonce. Vincent Peillon veut "plus de sérénité, de sécurité et d'adultes dans les" collèges et les lycées.  Et pour atteindre cette "sérénité", le ministre de l’Éducation nationale veut mettre les moyens. Invité mercredi d'Europe1, il a annoncé 10.000 embauches supplémentaires dans le secondaire à la rentrée 2013, en plus des 60.000 postes prévus dans la loi sur l'école. "Ces contrats dureront entre 10 mois et deux ans, et seront renouvelables", a-t-il détaillé.

>> Mais, en cette période de disette budgétaire, l’État doit-il vraiment se permettre une telle charge ? Éléments de réponse.

Comment vont-être financées ces embauches ? "Ce sont des contrats aidés qui sont évidemment budgétés", assure Vincent Peillon. Même si les nouvelles recrues commenceront à travailler à la rentrée 2013, leurs salaires ne seront compris que dans le budget 2014. Contacté par Europe 1, ni Bercy ni le ministère de l’Éducation n'ont pour le moment le chiffre précis du coût de ces embauches. On sait simplement qu'elles seront signées sous forme de contrats aidés, ces contrats financés par l’État pour aider des jeunes en difficulté à s'insérer sur le marché du travail. Selon nos informations, le ministère du Travail les financera à hauteur de 75%, et celui de l’Éducation 25%.

Où trouver l'argent ? Le gouvernement a annoncé mardi une rallonge d'un milliard pour le budget 2014 du ministère de l'Emploi, justement pour financer les contrats aidés. Pour compenser, les autres ministères devront doublement se serrer la ceinture. Ainsi, pour la première fois depuis 1958, à part celui du Travail, aucun ministère ne verra ses dépenses augmenter. Ceux de la Solidarité, de l’Éducation nationale, du Logement et de la Justice verront leur budget gelé. Et tous les autres devront réduire la voilure. En incluant les réductions de dotations aux opérateurs de l’État (Météo France, la Réunion des musées nationaux ou encore le centre national des études spatiales) et aux collectivités locales, le Budget 2014 prévoit au total 1,5 milliard d'économies.

>> À lire pour le détail : de nouvelles coupes prévues pour 2014

Mais tout le monde n'y croit pas. "Moi, les économies, je veux bien ! On nous parle d'un milliard et demi, cinq milliards, dix milliards… Mais dès lors qu'il s'agit de décisions concrètes, précises, c'est toujours des dépenses supplémentaires", a déploré Gilles Carrez, le président de la Commission des Finances, mercredi sur Europe1.

À quoi vont servir ces embauches ? Aide scolaire individualisée, accompagnement informatique, formation aux nouvelles technologies, conseils sur l'orientation ou la gestion des stages en entreprises… Les missions des nouvelles recrues sont variées. En outre, elles auront pour objectif "d'améliorer le climat" dans le secondaire, par des activités de surveillance, de sécurité, d'accompagnement des sorties scolaires, d'animation culturelles, sportives, artistiques ou encore de médiation auprès des élèves au comportement difficile.

En avait-on vraiment besoin ? "L'Education nationale est une grande maison, nos besoins sont importants", assure Vincent Peillon. Pour se justifier, le ministre rappelle que le nombre de contrats aidés employés en "renfort" dans les collèges et lycées en difficulté est en "forte diminution depuis plusieurs années", totalisant à peine 4.500 à la fin de l'année 2012. Mais pour les syndicats des enseignants du secondaire, multiplier les embauches temporaires ne sert à rien. "On met quelques adultes et on pense que tout va aller mieux. On ne s'occupe pas de leur formation, de leur gestion ou de leur orientation. On est vraiment dans l'improvisation", tacle ainsi au micro d'Europe 1 Frédérique Rolet, Cosecrétaire générale du Snes, principal syndicat des collèges et lycées.

"Il y a un manque de clarté par rapport à des postes qui existent déjà. Dans les collèges et les lycées, il y a déjà des conseillers principaux d'éducation, des conseillers, d'orientation, des assistants d'éducation, éventuellement des assistantes sociales etc. Plus personne ne sait qui fait quoi. On a besoin d'avoir des vies scolaires stabilisés", renchérit la syndicaliste. Et de conclure : "là, avec ces contrats à durée limitée, on est dans le tout est n'importe quoi."