Amnistie, "pas une preuve de laxisme"

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Pierre de Cossette avec Assiya Hamza , modifié à
- Le contrôleur des prisons appelle le Parlement à voter une loi pour désengorger les prisons.

C'est une manière de désengorger les prisons. Jean-Marie Delarue, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté depuis 2008, prône le recours à l'amnistie pour lutter contre la surpopulation carcérale dans un avis publié mercredi au Journal officiel et qu'Europe 1 a pu se procurer en exclusivité. Plus de 67.000 personnes sont actuellement écrouées en France pour seulement 57.000 places en prison.

"L'amnistie existe depuis le début de la République. Je regretterais pour ma part, et je trouverais ça même étrange, que l'amnistie disparaisse de notre paysage institutionnel", affirme Jean-Marie Delarue au micro d'Europe 1. "L'amnistie n'est pas contraire à la démocratie. C'est le Parlement qui la vote et c'est lui qui choisit les peines qui vont être amnistiées", insiste le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Plus d'amnistie depuis 2007

Depuis 2007, aucune amnistie n'a été décidée par le chef de l'Etat. Nicolas Sarkozy avait alors rompu avec une pratique devenue une tradition sous le mandat de Jacques Chirac. "L'élection présidentielle ne donne pas le droit d'effacer les ardoises", avait alors déclaré le président fraîchement élu. Une tradition que semble partager le nouveau pensionnaire de l'Elysée. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat Hollande avait averti par la voix d'André Vallini, alors chargé de la justice dans son équipe, qu'il n'y aurait "pas de loi d'amnistie" pour les prisonniers ou les délits routiers.

A un mois du 14 juillet, Jean-Marie Delarue se défend pourtant de faire un appel du pied au président de la République."Je prends acte de ce que désormais que lors de l'élection présidentielle, il n'y a plus de loi d'amnistie. C'est la deuxième fois que l'on fait ce choix là et je l'accepte bien volontiers. Cela me mettait mal à l'aise, comme tout le monde, de considérer que c'était lié à une circonstance politique. L'habitude de décret de grâce au 14 juillet s'est perdue. C'était une espèce de reste de pouvoir du prince, un peu contraire à nos mœurs républicaines. Pour autant, l'habitude de l'amnistie doit-elle disparaître du paysage politique ?", s'interroge-t-il.

Seuls les petits délits concernés

"C'est plutôt un appel au Parlement. Pour remédier à court terme à cette surpopulation, il pourrait décider qu'il y aura une loi d'amnistie, pourquoi pas d'ici la fin d'année ", précise Jean-Marie Delarue. "Naturellement, il faudra la faire en accord avec l'opinion. On ne va pas amnistier les grands criminels mais il faut amnistier peut-être certaines infractions qui ne sont pas si graves. Je crois que certains cas d'escroquerie très mineurs, qui sont des délits économiques pour lesquels huit jours de prison ont fait comprendre à leurs auteurs qu'il ne fallait pas recommencer. Ce type de délit là peut être sans difficulté amnistié et avec la certitude qu'il n'y aura pas de récidive", insiste le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

"L'amnistie n'est pas une preuve de laxisme comme on voudrait nous faire croire", martèle-t-il. "C'est une preuve intelligente de réinsertion d'un certain nombre de personnes qui ont peu de choses à apprendre de la prison et qui au contraire, on a tout à gagner à réintégrer un travail et un logement".